La chaleur peut croître avec les charges que l'individu accomplit à l'âge mûr. Elle peut devenir si grande chez certains qu'ils peuvent être identifiés aux ancêtres (…) par « co-essence ». Cette acquisition de chaleur implique la perte de la sexualité.
(Les paradis de brume. Alfredo Lopez-Austin. Maisonneuve et Larose 1997)


[Les Apapocuva-Guarani] recourent au chant à la moindre difficulté ou même lorsqu'ils se sentent déprimés. Il est très rare qu'une seule nuit ne se passe sans que quelqu'un entonne un chant magique. (…) le premier ancêtre [ona] qui inventa le chant était capable de tuer un cétacé et de le ramener jusqu'au rivage par ce seul moyen. (…) dans la mythologie des Witoto (…) les mots, c'est-à-dire les chants, étaient considérés comme plus importants que les dieux, parce que sans les rites et les fêtes au cours desquelles ils étaient chantés, les dieux ne pouvaient rien réaliser.
(Ecrits d'Amazonie. Alfred Métraux. CNRS Editions 2013)


Au crépuscule, on peut voir deux personnages masqués de la danse, presque nus, se frayer rapidement un chemin en direction d'un lointain canion désert, où le Dieu du feu est censé avoir habité un jour. Là-bas, avec un bâton ancien et une tige, ils embrasent du petit bois (...) les matrones, les jeunes filles et les jeunes hommes attendent impatiemment le don du Feu Nouveau. A peine celui-ci a-t-il permis de faire partir de nouvelles flammes dans les foyers des ménages que de grands paniers de nourriture y sont déversés, afin que la substance impérissable de la vie puisse s'élever et s'échapper vers l'extérieur pour nourrir les esprits des ancêtres et de ceux qui sont morts au cours des années précédentes.
(Tenatsali ou l'ethnologue qui fut transformé en Indien. CNRS Editions 2022)


... la danse qu'il venait d'effectuer n'était pas le symbole de la renaissance du monde, mais bien un acte réel de (re)création. (...) Car la danse retrace les pas des premiers ancêtres à leur apparition dans le monde. (...) l'ancêtre est toujours présent en lui.
(La caverne originelle. Jean-Loïc le Quellec. La Découverte 2022)


... la conservation de ces graines, et leur transport à distance, peuvent désormais se substituer à la sépulture et son ancrage en un lieu précis. Cette mobilité potentielle des défunts via les graines qui en recèlent la substance ouvre l'opportunité d'un mode d'être itinérant...
S'il est bien question ici de divinités d'un genre nouveau, alors leur émergence pourrait résulter d'une personnification de la mémoire des ancêtres ayant fait "don" des plantes domestiques (...). A l'image des pratiques agricoles, l'univers des croyances se détache désormais de la nature pour se recentrer sur la sphère domestique.
(Les graines de l'au-delà. Nissim Amzallag. Editions de la Maison des sciences de l'homme 2023)


Dans la pensée otomi, l'entrée du défunt au "nitu", l'"endroit des morts", représente l'issue d'un long cheminement avant même l'apparition des stigmates de la mort. C'est pourquoi, d'une certaine façon, les vieillards font figure d'incarnation vivante des ancêtres.
(La moitié du monde. Jacques Galinier. PUF 1997)


Qui est le nouveau-né? Le défunt revenu chez les vivants? L'enfant qu'il a formé? Il est simultanément les deux. Il est le père, très vieux, dont le chemin passe par le labyrinthe de réincarnations successives, et l'enfant re-né de lui-même avec une force de vie intacte que n'alourdit pas la mémoire - c'est-à-dire l'ombre - d'autres existences, à l'instant où "il se lève" - où il naît - sa vie antérieure s'évanouit comme un rêve.
... la manière dont ils se taisent pendant la nuit d'un "tibènti". C'est alors qu'ils redeviennent ce qu'ils sont, peuple du vent et de la nuit, à l'écoute des voix de leurs morts et de "ceux de sous terre", ces esprits qui s'incarnent dans certains arbres, sources ou pierres.
(Le souffle du mort. Dominique Sewane. Plon 2020)


L'ancêtre, devenu vieux, avait coutume, lorsque les adultes étaient au travail, de garder les enfants dans la maison de son fils aîné. Un jour, il se transforma en serpent (...) le fils aîné, revenant inopinément des champs, surprit le vieillard en pleine métamorphose. Celui-ci, honteux d'être découvert, se mua aussitôt en antilope chevaline pour s'enfuir plus vite.
Le même verbe, qui prédisposait les matrices à l'union, attirait les hommes dans les plis du pagne dont chaîne et trame enserraient dans leurs fils les paroles des huit ancêtres.
(Dieu d'eau. Marcel Griaule. Fayard 1966)


Fa, c'est la "Parole perdue", que chaque devin tente d'approcher, de reconstituer, d'attraper: (...) c'est littéralement "le père qui possède les secrets".
(Vaudou. Philippe Charlier. Plon 2022)


Deux chemins ont les mortels, ai-je entendu:
le chemin vers les Pères et vers les dieux.
Par eux passe ensemble tout ce qui bouge
entre le père-ciel et la mère-terre.
(Les Upanisad. Alyette Degrâces. Fayard 2014)


Dès lors qu'il n'y avait pas d'ancêtres ou de héros, l'Homme n'existait pas non plus: privé d'une image fixe de lui-même, où il put se contempler…
(Aimables sauvages. Francis Huxley. Plon 1980)


... il faut donc qu'ils aient des fils qualifiés pour exécuter les rites funéraires qui seuls rendent possible la transformation des défunts en ancêtres. C'est de cette machinerie que Yama a la charge: les descendants sont un "tissu qui se tisse sur le métier tendu par Yama".
(...) le chemin vers l'au-delà est aussi oeuvre de langage; il est fait des paroles que les survivants doivent prononcer pour que le défunt accomplisse sa transformation en Père et parvienne à sa destination.
... le culte des ancêtres morts est même l'acte religieux par excellence (...). Si la vie de chaque mortel est un dépôt que le dieu de la mort lui a confié et qu'il réclamera nécessairement, la mort est présente dans la définition de la vie.
(Le jumeau solaire. Charles Malamoud. Seuil 2002)


… selon la conception inca, le corps est tripartite et comprend les parties molles (viscères et autres), les parties dures (les ossements et l’enveloppe corporelle) et une troisième part, immatérielle, que l’on pourrait par facilité comparer à l’âme, et qui est parfois représentée ou conceptualisée sous la forme d’un insecte qui quitte le corps mais peut y revenir par la suite (…). L’ancêtre est donc à la fois un interlocuteur vis-à-vis des humains et un intermédiaire par rapport aux entités surhumaines.
(Les Incas. Peter Eeckhout. Taillandier 2024)


Norouz se présente également avec les couleurs rouge et noir d’un Hérault dont le chant et le rythme de son tambourin suffisent à répandre la joie. Celui-ci, nommé Haji Firouz (probable islamisation de Khâdjâh Pirouz, « gentilhomme victorieux »)…
Selon Frazer, Haji Firouz reviendrait chaque année du monde des morts…
[La] plantation [du sabzeh iranien] au bon moment, pour qu’il soit bien germé le jour de l’an, coïncide avec l’arrivée des esprits des ancêtres au profit desquels les maisons sont nettoyées.

(Le matin des dieux. Salvatore D’Onofrio. Editions Mimésis 2018)


… il n’est pas inutile de rappeler les deux axes de la pensée religieuse des Japonais : le premier, c’est l’idée d’une identité foncière entre la divinité des montagnes et celle des rizières, et la deuxième, celle qui identifie yama no kami alias ta no kami aux esprits des ancêtres qui, dûment accueillis et entretenus (…) veilleront sur le bien-être de leurs proches habitant la plaine. (…) Pour descendre dans la plaine, ils prennent comme support matériel les fleurs…
(La sieste sous l’aile du cormoran. H.O. Rotermund. L’harmattan 1998)