Les crimes contre les femmes (…) sont l'une des facettes caractéristiques du monde moderne : celle de la résonance spectaculaire.
(Des os dans le désert. Sergio Gonzalez Rodriguez. Passage du Nord-Ouest 2007)
Tous les êtres, divins ou terrestres, doivent leur constitution à une déesse originelle, aquatique, chaotique, monstrueuse. Sa nature initiale a été conservée dans la partie inférieure du cosmos, la partie supérieure ayant pour sa part acquis des caractéristiques masculines.
Les dieux du haut et du bas étaient des fragments du corps divisé de la déesse, et leur union était une violation de la séparation originelle.
(…) de l'union des dieux du ciel et de l'inframonde naquit le cours du temps.
La tâche bleue qu[e le nouveau-né] porte au postérieur est la trace du coup de pied que lui donna Natzin'itni en lui disant de ne plus jamais revenir.
Les Otomi distinguent (…) deux âmes : la première est la force vitale et la seconde est appelée « souffle-âme » ou « ombre ». C'est cette « ombre » que l'homme partage avec un alter ego animal, par un lien issu de la moitié inférieure de son corps.
(Les paradis de brume. Alfredo Lopez-Austin. Maisonneuve et Larose 1997)
… chaque fois que de nouveaux esprits arrivent auprès de nous, ils nous blessent avec la même violence. C'est ce qui, à force, rend les reins et la nuque des chamans aussi douloureux ! Ce sont ces parties du corps que les esprits préfèrent atteindre et les souffrances qu'ils nous imposent sont intenses.
(La chute du ciel. Davi Kopenawa. Plon 2010)
Chez les Indiens de la région du Putumayo, le chamane donnait sa préférence au plus velu de ses enfants. L'aspect velu semble avoir été un attribut important des chamanes qui, à la différence de la majeure partie des Indiens, ne s'épilaient jamais eux-mêmes – il faudrait aussi rappeler à ce sujet que les esprits étaient souvent représentés comme des hommes velus.
(Ecrits d'Amazonie. Alfred Métraux. CNRS Editions 2013)
Le cœur est l'élément du corps divin par excellence ; il est « la divinité dans l'homme » et l'instrument de la création.
(« Dieu » et « dieux » : paradigme naturaliste et scepticisme ? Le « faucon » des dieux et le « cobra » des déesses. Sydney H Aufrère. Deus Unicus. Brepols 2014)
Une réponse vient sans doute de la part de la chanteuse Axelle Red : « Les filles de nos jours, les adolescentes, elles ne savent plus si on a le droit d'avoir un poil. Et moi je trouve, très sincèrement, que c'est le résultat d'une société pédophile. Quand on voit les signes de beauté qu'on a dans notre société, ce sont très souvent des signes d'enfance. »
(Le bar à sourcils. Raoul Anvélaut. La décroissance septembre 2016)
… les dieux sont les facultés, les fonctions naturelles lumineuses, et les démons nos fonctions naturelles obscures et dominatrices...
… « depuis un temps sans commencement une guerre entre [dieux et démons] [se poursuit] dans le corps de chaque être individuel. »
(Les Upanisad. Alyette Degrâces. Fayard 2014)
Le lieu traditionnel d'enterrement du placenta, comme de dépôt du cordon ombilical desséché, est le domaine familial. Dans les deux cas, la signification paraît toujours être celle du rattachement de l'enfant à un repère, par le biais d'un arbre ou d'une maison, à sa terre "Pé" d'origine, propriété familiale ou ancestrale.
(Ethnosociologie du corps dans les pratiques et les rituels chez les Bandjoun de l'ouest-Cameroun. Raymond Charlie Tamoufe Simo. Connaissances et savoirs 2017)
"Il n'est pas rare de voir ainsi un possédé se jeter de toutes ses forces la tête contre une porte, de se brûler le corps avec des cigares incandescents, de manger à même la bête les intestins des animaux sacrifiés et de se saisir à mains nues des serpents." (Katerina Keterestetzi)
(Au plaisir des dieux. Adeline Grand Clément. Anacharsis 2023)
Le thème de la débauche avec les filles moabites ou madianites leur permet de définir un "ailleurs", lieu de toutes les trahisons, forcément honni, mais également nécessaire à l'élaboration du discours dominant qui, par opposition, se veut juste et orthodoxe. L'histoire de Kozbi est une fable morale élaborée dans le seul but de fonder le prestige social de l'élite sacerdotale et de maintenir le peuple en respect.
(...) Après leur victoire, les Hébreux font massacrer les captifs de sexe masculin. Tous sont méthodiquement passés au fil de l'épée. Mais les vainqueurs décident d'épargner les femmes, devenues leurs prisonnières. (...) "toutes les fillettes qui n'ont pas connu l'étreinte conjugale, gardez-les en vie pour vous." (Moïse)
(Débauches antiques. Christian Georges Schwentzel. Vendémiaire 2023)
... il faut, ascétiquement, contraindre le corps, lui faire violence, il faut qu'il porte en lui la marque de la culture, la preuve que son émergence de la nature est irréversible...
La femme se trouve ainsi divisée, métaphoriquement, de haut en bas et selon sa double nature: la face antérieure, c'est le côté mère, là où s'installent les enfants qui dorment entre le feu et la mère, laquelle ménage de la sorte une frontière entre l'espace enfantin et l'espace des adultes, la face postérieure, c'est le côté épouse, réservé aux maris. (...) s'opère sur le corps de la femme une seconde division, non plus longitudinale, mais transversale, en ce qu'elle délimite trois secteurs (...). Chacun de ces "lieux" est occupé par un époux, en fonction de sa place dans la hiérarchie des maris. On distingue d'abord la partie inférieure du corps féminin, à partir de la ceinture; puis, selon une échelle de "valeurs" décroissantes, la tête de la femme; enfin, entre les deux, le milieu constitué par le dos. Le secteur privilégié, celui qui définit la féminité même de la femme, appartient (...) au mari principal (...). Le mari secondaire se place à l'opposé du principal, la tête près de celle de l'épouse commune. Et s'il y a un troisième mari, il lui reste, comme dernier venu, la place du milieu, la plus neutre sexuellement (...). Les maris sont d'ailleurs identifiés par la partie du corps de l'épouse qui leur est affectée.
... on s'épile soigneusement les sourcils, les femmes n'aimeraient pas l'homme grossier qui, tel un animal, conserverait des poils autour des yeux.
(Chronique des Indiens Guayaki. Pierre Clastres. Plon 1972)
"Et puis, les ouvriers danois qui viennent construire nos maisons, l'été, ils sont souvent brutaux avec nos filles! Pourquoi?"
(Les derniers rois de Thulé. Jean Malaurie. Plon 1989)
... un Guajajara nommé Joao Caboré, que les capucins avaient fouetté jusqu'au sang parce qu'il refusait de renoncer à l'une de ses deux femmes.
... jadis les hommes fouettaient leurs femmes stériles avec un serpent (...). "Il y a longtemps, yandé ramui m'a raconté que, quand un homme voit un mboi capita (le serpent corail) en marchant dans les bois, c'est signe qu'il aura beaucoup d'enfants.
(Aimables sauvages. Francis Huxley. Plon 1980)
... les corrélations magiques étaient le cadre naturel des correspondances entre macrocosme et microcosme: ainsi le motif de la distribution des membres ou des organes du corps entre les entités du monde extérieur...
(Hymnes spéculatifs du Veda. Louis Renou. Gallimard 1956)
Car ici-bas il n'y a que mangeurs et mangés.
Alors Indra le partagea en deux et, de cette partie de Vrtra qui relevait de soma, il fit la lune.
Quant à ce qu'il y avait de démoniaque en Vrtra, Indra le fit entrer dans le ventre des êtres vivants ici-bas.
(Mythes et légendes extrait des Brâhmanas. Jean Varenne. Gallimard 1967)
Qu’est-ce qui fait le malheur de tout homme ici-bas ? C’est qu’il possède un corps, et qu’il est forcé de l’entretenir, de le protéger contre toute attaque du monde extérieur. Dans ces conditions, il doit affermir son existence en lui subordonnant toutes les natures.
Yen Houei répondit : « Me dépouiller de mon corps, oblitérer mes sens, quitter toute forme, supprimer toute intelligence, m’unir à celui qui embrasse tout, voilà ce que j’entends par m’asseoir et oublier tout. »
Confucius conclut : « L’union au grand tout exclut toute particularité, évoluer sans cesse exclut toute fixité. »
… si celui dont l’âme est obstruée et le corps ligoté peut être considéré comme heureux, on peut en dire autant pour les criminels dont les bras et les doigts sont entrecroisés et pour le tigre ou la panthère que l’on a enfermés dans un sac avant de les mettre en cage.
… tous les gens ont leurs occupations particulières provenant des circonstances (…). Ainsi ils vont leur chemin comme l’année dont les saisons se suivent et ne cherchent pas à se modifier. Ils fouettent leur corps et leur nature pour se plonger dans les choses. Ils ne se retrouvent plus jamais jusqu’à la fin de leur vie. Quel dommage !
(Oeuvre complète. Tchouang-tseu. Gallimard 1969)
… il est intéressant de mentionner une pratique courante des embaumeurs sur la côte centrale du Pérou, une coutume pré-inca qui se poursuit sous l’Empire et qui consiste à glisser de petites feuilles de tumbaga à des endroits choisis du corps de la momie : à ses pieds, au niveau du pelvis, des mains, des épaules et du visage.
… selon la conception inca, le corps est tripartite et comprend les parties molles (viscères et autres), les parties dures (les ossements et l’enveloppe corporelle) et une troisième part, immatérielle, que l’on pourrait par facilité comparer à l’âme, et qui est parfois représentée ou conceptualisée sous la forme d’un insecte qui quitte le corps mais peut y revenir par la suite (…).
La première coupe de cheveux constituait un rite important qui s’effectuait lorsque l’on donnait leur nom définitif aux enfants, vers 10 ou 12 ans ; les cheveux coupés étaient précieusement conservés.
(Les Incas. Peter Eeckhout. Taillandier 2024)
Selon les Zoroastriens, le geste de délier le kosti et de le remettre autour des flancs sert à distinguer la partie supérieure du corps, siège des sentiments, de la partie inférieur[e] vouée à la reproduction.
… c’est la vie qui s’affirme, au moyen des pouvoirs féminins. Dans le mythe, c’est grâce aux arts magiques d’Isis qu’Osiris, bien qu’en morceaux et sans membre viril, récupère pleinement sa fonction masculine : comme dans une procréation médicalement assistée, il est le père posthume d’Horus (…). Dans le rite, ce sont généralement les femmes qui arrosent les pousses qu’elles ont semées...
(Le matin des dieux. Salvatore D’Onofrio. Editions Mimésis 2018)
La main droite est propre. Elle sert au salut, à la poignée de main, à manger. La main gauche est sale. Elle est réservée à l’hygiène personnelle. (…) Chez les Yoruba du Nigéria, c’est exclusivement au cours d’un rituel que les hommes, transformés en dieux à travers la transe, saluent l’assistance de la main gauche.
(La danse de l’araignée. Alexander Alland. France Loisirs 1984)
Dans le mouvement de la danse chacun agite une branche de feuillage, comme si le bosquet sacré où les femmes tiennent leurs réunions privées s’était transplanté sur la place publique. On abandonnera ce rameau sur les toitures des cases environnantes lors des temps de repos et quand toute réjouissance aura cessé. (…) Un chant en langue archaïque, construits sur trois brefs fragments repris à trois parties, évoque d’une manière monotone le thème de la douleur. La répétition semble ne devoir jamais finir. Elle s’impose avec une puissance insidieuse qui renforce l’effet physique d’une chorégraphie elle-même interminable et sans diversité. Je ne peux douter qu’une telle pratique ne soit à la longue efficace ; une véritable préparation opératoire qui fait perdre à la clitoridectomie son caractère effrayant.
Si elle a le souci de se conformer à des obligations anciennes, la jeune fille kono voit surtout dans l’excision le moyen de se faire reconnaître par tous comme membre « de plein exercice » de la communauté. Elle s’émancipe de l’enfance, sans les expédients par quoi les jeunes de nos sociétés essayent d’arracher cette reconnaissance de leur état d’adulte, qu’on leur concède seulement du bout des lèvres.
L’initiation régit d’abord les rapports entre sexes. Une période de liberté la précède, durant laquelle la jeune fille se complaît aux intrigues amoureuses et recherche le succès dus aux seuls jeux de la coquetterie. (…) Les expériences honteuses, les enseignements hasardeux ni les rencontres de fortune n ‘accompagnent ici la naissance de la vie sexuelle : le développement des instincts se soumet au contraire à un plan dont on ne peut contester l’efficacité.
(Afrique ambiguë. Georges Balandier. Plon 1957)
« Tandis qu’à l’origine, chaque partie du corps contient en soi l’essence de la personne, nous voyons, en des phases plus élevées du développement de la pensée, se former une articulation entre parties magiquement importantes et parties magiquement indifférentes, une centralisation et une subordination, au sens d’un noyau et d’une écorce de la personne. » (Heinz Werner)
(Le monde magique. Ernesto De Martino. Bartillat 2022)
« … c’est ce pour quoi Râ a fait que chaque dieu descende (…) c’est le phallus de Râ quand il s’accouple avec lui-même ».
« Je suis ce dieu car je suis apparu parmi vous. (…) C’est le sang qui est sorti du phallus de Râ après qu’il en est venu à se couper lui-même. »
(Lettres égyptiennes. Michel Dessoudeix. Actes sud 2025)
… je déteste et déplore la vénération de la stérilité dans les classes moyennes des États-Unis, et envers son propre excrément le mélange de vénération et de crainte.
J’enlevai le loquet de bois de la porte à côté du lit et sortis dans le couloir (…). J’étais contracté, ayant tout à fait conscience du bois nu de la maison et des madriers sous mes pieds nus, de la nuit humide, grise et profonde, tout à fait conscient de ma nudité. J’allai sur le porche, et au bout je pissai, contre le mur de la maison pour ne pas faire de bruit, et demeurai debout à regarder (…). Dès le moment que je m’étais trouvé seul sous le ciel, je m’étais senti bien plus fort qu’auparavant ; un hors-la-loi et un luxurieux, tout nu ; mais en même temps, faible. (…) c’était comme si j’avançais sur une mer dont le fond s’affaissait sous moi à des profondeurs inimaginables, et j’étais à distance peu rassurante du navire.
(Louons maintenant les grands hommes. Agee/Evans. Plon 2017)
… cette main est celle du dieu Rê qui créa en se masturbant. (…) Les quatre doigts ayant pris part directement à l’acte vont se transformer en serpents et, en se révoltant contre Rê, deviendront les « Enfants de l’Impuissance » (…). La main peut être considérée comme une déesse comparse du créateur (…). On sait aussi que le titre de « main du dieu » était porté par la « divine adoratrice du dieu ».
Sept entités pouvaient aussi détruire les ennemis du soleil, elles sont (…) mis[es] en relation avec les sept vertèbres cervicales…
Le lien entre le cœur et la parole est une conception proprement égyptienne : « Le cœur comme centre de l’intelligence et de la volonté est l’organe qui invente et conçoit les phénomènes que l’autorité de la parole mettra à exécution. (…) Le cœur et la langue sont les organes créateurs du monde... » (S. Bickel)
(Le papyrus des sept propos de Mehet Ouret. Yvan Koening. Institut français d’archéologie orientale 2024)
… le corps chrétien, corps-chair, corps déchu, marqué par le péché, (…) le corps physique, purement corps parce que séparé de l’âme, opposé à elle comme la matière et l’esprit, réduit à sa figure naturelle visible, son anatomie, sa machinerie physiologique.
Le mot sôma, qu’on traduit par corps, désigne originellement le cadavre, c’est-à-dire ce qui reste de l’individu quand, déserté de tout ce qui en lui incarnait la vie et la dynamique corporelle, il est réduit à une pure figure inerte, une effigie, un objet de spectacle ...
… les récits « apocryphes » appelés évangile de l’enfance qui décrivent Jésus apparaissant tantôt dans un corps féminin tantôt dans un corps masculin, un corps nain ou géant.
… l’apôtre Paul enseigne que les chrétiens doivent se « conformer » à ce corps mis à mort pour être plus tard rendus « semblables » par la résurrection à son « corps glorieux ».
[Pour le christianisme, la chair] attire l’âme vers le bas, elle est son ennemie la plus intime. L’âme doit donc lutter contre la chair et la vaincre (…). Le corps doit être châtié pour être sauvé…
… que le corps du Christ ait dû passer par la souffrance, l’humiliation et la mort (…), voilà qui indique le prix auquel le corps de l’homme devra acheter cette dignité, pour se racheter de sa bassesse native.
[Le taoïsme] établit un rapport métaphysique et absolu entre l’univers et le corps humain.
C’est que le corps est énigme et non solution ; c’est lui qui fait problème.
Dans les deux cas le corps est donc évacué. Celui d’Hermès, en perpétuel mouvement, est pétrifié, paralysé (…). Le corps déconcertant de Dionysos est donné à voir dans son insaisissable absence, et ses pouvoirs sont concentrés en ses seuls regards.
Sous terre donc, le souffle circule sous forme d’eau – l’eau vivifiante, fécondante – dans un vaste réseau de veines avant de remonter à la surface irriguer les champs ou former des nuages. A l’image de l’eau, l’homme appartient à la fois au ciel et à la terre et circule entre les deux : (…) il est composé de sept âmes « terrestres » (…) et de trois âmes « célestes » qui animent ses trois centres vitaux – le bas-ventre, le cœur, le cerveau…
Il y a de la faiblesse au sein de la force, et rien n’est plus vulnérable qu’un corps de guerrier, lors même qu’il a longtemps échappé aux traits les plus funestes.
Ce n’est que dans les biographies intimes,non publiques, que se poursuivent, incompréhensibles et inacceptables, les expériences de l’amour qui, réelles, s’inscrivent sur le corps. (…) Des organes, tête, bras, sein, main, etc. deviennent susceptibles d’être le lieu de la lettre parce que lieux d’une souffrance, d’une blessure, d’une maladie.
Le recueil des biographies est jalonné de descriptions de religieuses « se jetant, comme on dit, à corps perdu dans la mortification » (La vie de la vénérable Mère, Clément) : multiplication volontaire des blessures, effusion de sang, tortures atteignant dans le discours biographique un point insupportable…
La « blessure » en tant que telle, plaie ouverte, effusion de sang et lieu de souffrance, est le seul support d’une ressemblance avec le corps divin. Les plaies mystérieuses et involontaires de la maladie semblent surnaturelles, et leur localisation signe la ressemblance. Le corps de la religieuse frappée par la maladie devient alors l’image du corps souffrant de la parfaite Image du Père. (…) Ce corps souffrant, qui commençait à être traité par « la science de la médecine », est la seule représentation du corps christique ; ainsi, loin de rendre caduque cette identification, la mutation médicale permet la dissémination des plaies et des souffrances, composant des lieux où peut s’inscrire l’Image.
… dans les biographies, une place de plus en plus grande prise par la maladie, les travaux du corps brisé, souffrant, mourant. Le martyre, ce thème central dans la vocation religieuse et dans l’imaginaire de la mortification, n’est perceptible qu’à travers une mise en scène du corps souffrant organisée par la médecine et la chirurgie. (…) présence du bourreau et de la victime, l’homme et la femme, ostension du corps ouvert et déchiré, l’acharnement, le fer, le feu, et, à l’entour, le cercle des religieuses figées dans une horreur priante. Désormais muets, sans Nom, les corps ne manifestent plus que leur expansion ou leur exténuation, selon le rythme de l’hydropisie et de l’étisie, au gré des maladies et des époques.
(Corps des dieux. SSLD Malamoud/Vernant. Gallimard 1986)
Plus tard s’ajouta la découverte de la mythologie, monde fantastique où tout prenait le contre-pied des règles quotidiennes. (…) Ce qui alors nous intriguait profondément, mes camarades et moi, c’est que le sexe n’apparaissait jamais normalement dans ces mythes : ou ces dames étaient farouchement vierges comme Artémis et Athéna (et alors, malheur à qui les approchait!) ou elles étaient férocement femelles comme Aphrodite (et alors, malheur à qui les ignorait!).
« Quand Dieu nous rendra nos corps et notre chair – pas notre chair terrestre mais un corps allégé et glorieux, comme celui du Christ en son Ascension – nous n’aurons plus besoin de noms car nous aurons tous le même visage, les mêmes traits. (…) C’est cela l’égalité dans le Seigneur. » (Un ermite russe)
(L’été grec. Jacques Lacarrière. Plon 1975)
… un poème du Kanginshû fait une claire distinction entre montagnes profondes et ce bas monde, comme le montre la plainte touchante d’une femme, amoureuse sans doute, qui voudrait avoir deux corps...
(La sieste sous l’aile du cormoran. H.O. Rotermund. L’harmattan 1998)