... cet arbre mythologique apparaît comme la représentation symbolique de l'arbre généalogique du chamane qui en tire ses propriétés héréditaires - troubles nerveux et faculté d'improvisation poétique - …
(Gavriil Ksenofontov. Les chamanes de Sibérie et leur tradition orale. Albin Michel 1998)
« Rien n'est étrange comme un paysage canaque vrai – j'entends vu sous l'angle canaque – où chaque pierre a un nom, une histoire, une vie, on pourrait même dire une personnalité, à cause de l'esprit enfermé en elles. Souvent, dans les vallées, je me suis fait nommer chaque détail du terrain, chaque arbre remarquable ; le paysage se transposait en un plan impossible à transcrire sur une carte et où chaque nom était une tête de chapitre. » (M Leenhardt)
(L'expérience mystique et les symboles chez les primitifs. Lucien Lévy-Bruhl. Dunod 2014)
Le futur vivant (…) ne peut se comprendre sans réfléchir aux liens particuliers que la vie entretient avec tous les morts qui la rendent possible. C'est en ce sens qu'une forêt vivante est aussi une forêt hantée.
(Comment pensent les forêts. Eduardo Kohn. Zones sensibles 2017)
Je compris alors que j'étais un enfant perdu, à la recherche des dieux. (...) Je me rappelai mon sentiment de liberté, dix ans plus tôt, dans cette forêt. (...) A l'époque, les dieux du monde où j'évoluais résidaient dans les arbres, les feuilles, les fruits, la terre. En cet instant, ils habitaient le son.
(Une forêt de laine et d'acier. Natsu Miyashita. Stock 2018)
… Yggdrasil des anciens Scandinaves, aux racines rongées par le dragon et couronné d’un aigle, sans cesse parcouru par un écureuil qui excite l’inimitié entre les deux créatures.
(Cosmogonies. Julien d’Huy. La Découverte 2020)
Des trois grands cultes naturalistes qui existaient en Gaule avant le christianisme, celui des arbres était peut-être le plus populaire dans ce pays où les forêts étaient si nombreuses et si respectées. Elles étaient même adorées: la Forêt Noire était la Dea Abnoba, l'Ardenne la Dea Ardvinna; les inscriptions Sex arboricus et Fatis Dervonibus "aux génies des chênes" en témoignent encore.
D'après la Notice archéologique de l'Oise, écrite par Graves en 1854, il y avait alors dans ce département 253 arbres vénérés (...). Non loin d'Angers, un chêne nommé Lapalud, que l'on regardait comme aussi vieux que la ville, était couvert de clous jusqu'à la hauteur de dix pieds environ; un usage immémorial voulait que chaque ouvrier charpentier, menuisier ou maçon qui passait près de ce chêne, y fichât un clou.
Il y avait à Tourville un arbre dont l'ombrage faisait perdre au voyageur toute possibilité de retrouver sa route et tout désir de la poursuivre; celui qui s'asseyait dessous y restait indéfiniment si un passant charitable ne rompait le charme, en l'éveillant de son sommeil magique, après avoir mis un de ses vêtements à l'envers.
Les jeunes gens du Forez, avant d'aller annoncer la belle apparence des récoltes, plantent à l'entrée du village un pin ou un sapin, et dansent autour en chantant.
Le chêne Beignet, qui existait il y a cinquante ans à peine à Neuillé, était entouré d'un cercle de grosses pierres, et tous les ans, à la Chandeleur, les bergères apportaient chacune oeufs, huile ou farine, faisaient des crêpes ou des beignets, puis y dansaient jusqu'à la nuit.
(Croyances, mythes et légendes des pays de France. Paul Sébillot. Omnibus août 2002)
Le héros trouve la mort dans ces combats et acquiert alors un visage cadavérique. Aidé par la chouette-chamane, il renaît et retrouve son pouvoir. Il revient sur terre et féconde la Terre-Mère et donne naissance à l'arbre de vie.
(Christian Jeunesse. L'archéologue mars 2022)
L'arbre, racines en haut, du monde empirique a pour commencement le non-manifesté et pour fin l'inanimé. Il est appelé "vrksa, arbre" en raison de l'acte de couper [l'arbre coupé par le renoncement...]. Il est fait de nombreux maux ininterrompus comme naissance, vieillesse, mort et peine, à chaque instant il est différent. (...) son essence est dans les racines (...), il croît du germe de l'ignorance, du désir, de l'acte, et du non-manifesté; son bourgeon est l'Hiranyagarbha, l'embryon d'or (...); son tronc, la part subtile de tous les êtres; son ardeur à croître vient des étincelles de l'eau de chaque soif; ses tendres pousses sont les objets de l'intelligence et des organes des sens; ses feuilles sont la "Sruti", la "Smrti", la logique, la connaissance, l'enseignement; ses fleurs sont les multiples actions comme le sacrifice, le don, l'ardeur d'ascèse, etc.; ses goûts multiples la sensation de bonheur et de souffrance; ses fruits infinis, les moyens de subsistance des êtres; mais il a des racines développées, entrelacées, fermement liées aux étincelles de l'eau de la soif; ses nids sont les sept mondes, qui commencent avec "satya" vérité, construits par des oiseaux que sont les êtres depuis Brahmâ; il a son tumulte depuis la danse (...). Cet arbre du monde empirique est le figuier asvattha dont la nature comme le figuier asvattha est secouée par le vent des désirs et des actes.
(Les Upanisad. Alyette Degrâces. Fayard 2014)
... cette force incarnait le pouvoir illuminant de la sagesse. (...) un texte où figure la description d'un noisetier qui pousse au-dessus des eaux de Segais. Les noisettes qui tombent dans l'eau y infusent la maîtrise de l'art poétique, transmise à quiconque la boit.
(L'archéologie et la mythologie celtique. John Waddell. Sidestone 2022)
"... le bois interdit des jeunes filles invincibles dont nous tremblons de prononcer le nom, et près desquelles nous passons sans regard, sans voix, sans parole, en n'usant que d'un langage, celui du recueillement." (Sophocle)
(Au plaisir des dieux. Adeline Grand Clément. Anacharsis 2023)
Naguère, à l'intérieur des maisons, on procédait à l'érection d'un arbre sur lequel des figures anthropomorphes marquaient la présence de l'"âme du bois". Cet acte, à caractère apotropaïque, répondait à sa manière au courroux de l'"arbre mort", censé dégager une énergie pathogène considérable. (...) Cet acte programmé fondait la relation ombilicale reliant l'habitation à son environnement, et surtout à la terre, divinité tyrannique exigeant une sorte de redevance périodique de la part des vivants.
(La moitié du monde. Jacques Galinier. PUF 1997)
Pour Timinti, "les arbres étaient comme mes amis". Il se sentait chez lui parmi eux, trouvant à leur contact la nourriture à laquelle il aspirait: la force des "yéténkpanra" insufflée au tronc, les feuilles imprégnées de leur énergie souterraine. Supportant aussi peu la sollicitude de sa famille que les règles qu'elle tentait de lui imposer, il devenait un "dibo" "qui vit seul, n'a besoin de personne".
Qu'apprend un enfant-opon auprès de ses amis les arbres? A rebours des initiés, il s'initie seul, avant d'avoir atteint l'âge du "difwani", aux forces de la terre. De retour au village, il ne dit rien du lien qui les unit, ni leur manière de communiquer. Mais quand ses parents le voient revenir l'air calme et heureux, ayant "tout oublié de sa folie", ils se doutent que dans la brousse, quelque chose a renouvelé ses forces.
(Le souffle du mort. Dominique Sewane. Plon 2020)
Pour moi cet endroit est une piste grande ouverte, plein de gens sont déjà passés par là, des gens autant que des animaux, depuis que ces bois sont bois !
S’il fallait mettre ensemble tous ceux qui connaissent exactement l’endroit où nous sommes assis, Bonis, Indiens, Créoles, eh bien on aurait une ville ici ! (…) Il n’y a pas de forêt vierge !
… une pure affaire de relations denses et enchevêtrées entre les hommes et les forces surnaturelles, entre vivants et morts dans une configuration en carrefour ! Il ne percevait pas du tout le site comme moi, dans une dimension individuelle, physique, esthétique et émotionnelle, mais tout à l’opposé, dans sa dimension historique, collective et surnaturelle.
(Les gens de l’or. Michèle Baj Strobel. Terre humaine 2020)
... en Guyane, le tapir est étroitement associé à l'arbre miraculeux du commencement du monde, qui portait toutes les espèces de fruits, de tubercules et de racines aujourd'hui cultivés. Seul le tapir en avait connaissance, et il allait manger les fruits tombés des branches. Quand d'autres découvrirent l'arbre, ils l'abattirent et plantèrent le manioc, les patates douces et toutes les autres plantes, mais ils chassèrent le tapir parce qu'il avait été égoïste. Le foie de tapir est un régal, et l'homme qui croyait pouvoir s'en emparer sans tuer le tapir se montrait semblable au tapir lui-même, qui était satisfait de manger les fruits de l'arbre miraculeux sans devoir l'abattre ni cultiver les plantes qu'il portait.
La forêt n'est pas un lieu. Elle est le séjour des animaux et des esprits. (...) Si la forêt n'est pas un lieu, un ennemi n'est pas un être humain.
(Aimables sauvages. Francis Huxley. Plon 1980)
Les villes sont des dépotoirs énergétiques. Un simple passage en ville et je me trouve plein de choses dégoûtantes qui collent à moi et dont je mets des heures à me débarrasser. La nature est au contraire une vraie féerie: à côté d'un arbre, mon énergie se rééquilibre et semble récupérer sa stabilité.
(Christian Allain. Nexus mai 2022)
... Mithra naissant d'un rocher et on l'appelait "le dieu sorti de la pierre". La tradition rapporte que cette "Pierre génératrice" dont on adorait dans les temples une image, lui avait donné le jour sur les bords d'un fleuve, à l'ombre d'un arbre sacré (...). Mais le jeune héros était nu et exposé au vent, qui soufflait avec violence, il s'était allé cacher dans les branches d'un figuier, puis détachant à l'aide de son couteau les fruits de l'arbre, il s'en était nourri, et le dépouillant de ses feuilles il s'en était fait des vêtements. (...) M. Toutain y voit le "gardien des fruits" dont parle Porphyre.
(Les Mystères de Mithra. Franz Cumont. WW 2023)
" ... Silvain est bien le dieu de l'arbre. Le dieu latin est venu en Afrique recouvrir le dieu berbère de l'arbre." (M. Le Glay)
(Le culte de Mercure en Afrique. Nacera Benseddik. Tautem 2024)


… dans le bassin supérieur du fleuve Xingu, les populations indigènes plantent des graines d’arbres fruitiers péqui en guise d’offrande pour un nouveau-né. Ce faisant, elles garantissent que lorsque l’enfant atteindra l’âge adulte, approximativement, il sera le « propriétaire » d’un bosquet de péqui (M. Smith et Fausto 2016). Alors que les villages peuvent se déplacer, les concentrations d’arbres dans les familles sont des points fixes auxquels on revient.
(Archéologie de l’Amazonie. S. Rostain C. J. Betancourt. Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme 2025)
J’ai toujours été attiré par ces mythes de métamorphose entre les plantes et les hommes. (…) c’est toujours à la suite d’un épisode dramatique, d’une mort imminente, d’un viol, d’une transgression, d’un inconsolable chagrin que les dieux consentent à transformer les humains en arbres et en fleurs comme s’ils ne voyaient d’autre issue à leur cas que la mort immédiate ou la survie végétative.
(L’été grec. Jacques Lacarrière. Plon 1975)