Auparavant, lorsqu'il n'y avait pas encore de soleil, les dieux « allaient tous nus, protégés seulement par un morceau de cuir ».
(Les paradis de brume. Alfredo Lopez-Austin. Maisonneuve et Larose 1997)
Sur les milliers et les milliers de kilomètres de la vaste terre, entre la détresse et le rire, c'est ainsi que, tout de même, avance, microscopique et lente, la vie de l'homme nu, entre le chaud et le froid, entre le mal et le bien, autour des hommes qui chantent, au cœur de leurs étoiles.
Mais ils ne veulent pas descendre. Ils veulent rester tout nus !
… les vrais Indiens allaient dans les montagnes en quête de visions. Dépouillés de leurs vêtements, ils ne mangeaient ni ne buvaient rien. Nus et affamés, ils attendaient la vision. (…) Est-ce qu'on se sentait bien après avoir disparu ?
(Indian Killer. Sherman Alexie. Albin Michel 2013)
Toujours levé avant l'aube, il aimait mouiller ses pieds nus de la rosée du matin. Il disait souvent « Des pieds sains permettent de sentir battre le cœur de notre Terre sacrée.
(Sitting Bull. Stanley Vestal. Editions du Rocher 1992)
Un degré particulier de solitude, de conscience – ou de folie – rend nécessaire la nudité, insensible alors aux moqueries, attouchements et morsures obscènes du froid, du soleil et de ceux qui ne savent pas.
(Le puiseur d’inconscient. La forteresse du caméléon. Gilles Allaume. BookEdition)
« C’était un plaisir de voir cet embarquement, note Radisson, car toutes les jeunes femmes embarquaient toutes nues, les cheveux pendant. » Debout sur les embarcations, elles chantent durant des heures (…). « Elles n’ont pas du tout honte de tout nous montrer…".
« Cette nudité (…), qui choque chez nous la bienséance (…), n’est pas plus remarquée chez les peuples qui composaient cette assemblée que tout autre partie du corps. »
[Le soleil] avait des vertus curatives au moment de son apparition ; Thiers signale l’usage de s’exposer tout nu au soleil levant…
La rosée possède une grande vertu à des époques déterminées : celle de mai est surtout réputée ; en Poitou, les jeunes filles, pour avoir le teint frais, se lavent la figure, le premier jour de ce mois, avec celle qui perle sur les herbes ; on disait même que quelques unes, afin d’être plus belles de tout leur corps, s’y roulaient toutes nues (…) en Saintonge, (…) les amants qui n’étaient pas payés de retour allaient se rouler tout nus dans l’herbe humide de rosée et croyaient ainsi calmer les rigueurs de leur inhumaine : cela s’appelait prendre l’aigail de mai. (…) Dans la partie bretonnante des Côtes du Nord, la femme qui veut dérober le beurre court toute nue dans les champs, emplissant sa baratte de rosée prise à ses voisins.
… on croit dans le Finistère que l’on se débarrasse des rhumatismes en se dépouillant quand un orage vient à éclater, et en présentant, couché sur le ventre, son corps nu à l’averse, tant qu’elle voudra durer.
… lorsqu’il y avait des chaleurs excessives, les populations accouraient en foule sur les bords d’une fontaine située dans la paroisse de l’Espine ; là les vieillards et les matrones choisissaient une fille jeune et pucelle, entre toutes la plus vertueuse et la plus pure : alors la jeune fille, dépouillée de ses vêtements et nue en sa chemise, tandis que le peuple entier était en prières, se plongeait au sein de la fontaine et purifiait son bassin de toutes les matières immondes qui troublaient la limpidité de son cristal. (…) La collection des décrets de Burchard de Worms signalait au XIème siècle parmi les superstitions non encore éteintes sur les bords du Rhin, celle qui, aux mêmes fins, consistait à plonger dans un fleuve une jeune fille nue.
(Croyances, mythes et légendes des pays de France. Paul Sébillot. Omnibus août 2002)
Lors de ses séjours en bord de mer, (...) cette nouvelle Cléopâtre "visitait fort assidûment les sites les plus agréables du rivage, afin de choisir parmi les matelots, qui presque toujours travaillaient nus, les plus capables de satisfaire son infâme lubricité."
(Débauches antiques. Christian Georges Schwentzel. Vendémiaire 2023)
... il n'habitua pas moins les jeunes filles que les jeunes gens à paraître nues dans les processions, à danser et à chanter lors de certaines cérémonies religieuses en présence et sous les yeux des garçons. (...) La nudité des jeunes filles n'avaient rien de déshonnête, car la pudeur l'accompagnait et tout libertinage en était absent; elles les habituait à la simplicité, les engageait à rivaliser de vigueur et faisait goûter à leur sexe un noble sentiment de fierté, à la pensée qu'elles n'avaient pas moins de part que les hommes à la valeur et à l'honneur. (Plutarque)
(Utopia. Jean-Louis Poirier. Les belles lettres septembre 2022)
Un rite lié à la fécondité se pratique par les jeunes filles en quête d'une âme soeur en se retournant nues sur la terre à Taghit ( de Figuig) par exemple. Une femme nouvellement accouchée expose ses seins à l'eau d'une cascade (fertilité profusion) pour que son lait jaillisse et coule à flot (...). L'eau a deux aspects l'un fécondant car elle donne la vie mais elle la prend aussi. Elle nettoie, purifie et féconde mais elle moisit, inonde et dévaste.
Grraba est le moment où on célèbre la fécondité de la nature ou de la végétation et des femmes. (...) Les interdits sociaux sont brisés et toutes les règles suspendues. On joue avec des vêtements transparents qui laissent voir les parties intimes dès qu'ils sont mouillés. (...) Quelques jours après cette fête, commence la saison des mariages et le retour aux normes sociales et à l'immobilité à l'image donc du chaos primordial d'où est né l'ordre cosmique. La fête est terminée, l'ordre normal reprend le dessus.
Après la cérémonie de l'eau, avant le coucher du soleil, des femmes mariées se réunissent dans un lieu, forment sept petits tas de foin ou de gerbes de blé et de harmal, les alignent et les brûlent. (...) Parfois toutes déshabillées, elles sautent en travers de ces touffes en répétant certains chants liés à la fécondité afin d'avoir des enfants. (...) La mort du champ qu'incarnent ces gerbes de blé qu'on brûle et qui représente le principe de la fécondité ressuscitera dans un corps de femme. Le feu qui peut être symbole de destruction est utilisé ici comme élément fécondant...
(...) une fille désireuse d'une âme sœur noue une ficelle à un arbre dit de vœu, pose un vêtement sur l'un des tas de pierres (...) Elle peut aussi se retourner vêtue ou nue sur le sol argileux d'un ex-cimetière...
Les cimetières juifs sont aussi fréquentés pour avoir une âme sœur: on y dépose des vêtements ou des objets féminins (...) ou on y traverse en sautant une tombe sept fois en étant nue quand cela est possible très tôt le matin avant le lever du soleil. Les filles désireuses de se marier y pénètrent juste avant le coucher du soleil, s'y mettent nues et s'y baignent avec l'eau d'une jarre (...). Elles se rhabillent ensuite, y laissent leurs anciens vêtements et prennent des nouveaux...
Bien que la nudité soit de tradition, je n'ai jamais vu d'homme regarder avec insistance une femme. Si l'un d'eux croise une jeune fille s'aspergeant à un marigot, son regard glisse sur elle, il ne la salue pas, feint de ne pas l'avoir vue.
Pour un "okwoti" respectueux de la tradition, couvrir son corps, c'est vouloir dissimuler une tare. Rester nu est une question de probité: comment une femme pourrait-elle répondre aux avances d'un homme habillé en toute connaissance de cause?
(Le souffle du mort. Dominique Sewane. Plon 2020)
Je revois encore un homme nu dans sa barque un trident à la main, des huttes de roseaux construites sur l'eau, des buffles noirs ruisselants qui semblaient avoir surgi de l'onde à l'instant même où paraissait le premier arpent de terre ferme. Je continue à rêver à ces étoiles qui se reflètent dans le miroir de l'eau sombre, au coassement des grenouilles, à ces canots rentrant à la tombée du soir. Je songe à la paix du jour et à la durée, à un monde encore jamais troublé par le bruit d'une machine.
Ce grand vieillard distingué, un peu voûté, avait un visage ridé aux traits ascétiques que soulignaient un nez aquilin et une barbe blanche. Hormis sa coiffure et une fine robe longue transparente, il ne portait rien d'autre.
(Les Arabes des marais. Wilfred Thesiger. Plon 1983)
Les enfants, en effet, sont comme en marge du groupe. Ils ont leur vie à eux, leurs sentiers, leur matériel, leurs troupeaux de coléoptères et de sauterelles aux ailes brisées par précaution. Ils connaissent la valeur du fétu, du caillou rond, de la tige de nénuphar comme chalumeau. Etant nus, ils n'ont aucune honte.
(Dieu d'eau. Marcel Griaule. Fayard 1966)
... au coeur de la nuit, m'éveille un bruit familier: un homme est en train de chanter. A genoux et assis sur les talons, Chachubutawachugi (...) semble défier les ténèbres (...). De temps en temps, distraitement il attise le feu dont les flammes joue sur son corps entièrement nu.
(Chronique des Indiens Guayaki. Pierre Clastres. Plon 1972)
Il y a cinquante ans, hommes et femmes vivaient presque nus dans les iglous. (...) Les femmes ne portaient qu'un cache-sexe "bikini" en peau de renard, ou même une simple lanière devant le pubis retenue par une ceinture.
(Les derniers rois de Thulé. Jean Malaurie. Plon 1989)
... Mithra naissant d'un rocher et on l'appelait "le dieu sorti de la pierre". La tradition rapporte que cette "Pierre génératrice" dont on adorait dans les temples une image, lui avait donné le jour sur les bords d'un fleuve, à l'ombre d'un arbre sacré (...). Mais le jeune héros était nu et exposé au vent, qui soufflait avec violence, il s'était allé cacher dans les branches d'un figuier, puis détachant à l'aide de son couteau les fruits de l'arbre, il s'en était nourri, et le dépouillant de ses feuilles il s'en était fait des vêtements.
A mesure que l'âme traversait ces diverses zones, elle se dépouillait, comme de vêtements, des passions et des facultés qu'elle avait reçues en s'abaissant vers la terre: elle abandonnait à la Lune son énergie vitale et nourricière, à Mercure ses penchants cupides, à Vénus ses désirs érotiques, au Soleil ses capacités intellectuelles, à Mars son ardeur guerrière, à Jupiter ses aspirations ambitieuses, à Saturne ses inclinations paresseuses. Elle était nue, débarrassée de tout vice et de toute sensibilité, lorsqu'elle pénétrait dans le huitième ciel pour y jouir, essence sublime, dans l'éternelle lumière où séjournait les dieux, d'une béatitude sans fin.
(Les Mystères de Mithra. Franz Cumont. WW 2023)
Ceinturés de vent, les ascètes
sont vêtus de brunes souillures.
Ils suivent la fougue du vent,
dès que les dieux sont entrés en eux.
(Hymnes spéculatifs du Veda. Louis Renou. Gallimard 1956)
« Je suis pour le dénuement du corps, mais pas pour celui de l’esprit. » (un ermite russe)