Ils gardaient leurs coqs sous terre pour que leur chant ne pût guider l'homme blanc profondément haï vers leur ville à travers la jungle.
(A la recherche des mayas. Victor W von Hagen. Lux 2011)


J'ai caché mes yeux derrière des lunettes noires et les pieds dans des chaussures. J'ai peigné mes cheveux sur le côté et attaché une montre à mon bras. J'ai appris à imiter leur manière de parler. Mais cela n'a rien donné de bien. Même enveloppé dans une belle chemise, à l'intérieur de moi j'étais toujours un habitant de la forêt !
Je ne veux pas me perdre parmi les Blancs. Mon esprit n'est vraiment calme que lorsque je vis dans la beauté de la forêt auprès des miens. Dans la ville, je ne cesse d'être anxieux et impatient. Les Blancs nous traitent d'ignorants seulement parce que nous sommes d'autres gens qu'eux. Mais leur pensée et courte et obscure. Elle ne parvient pas à s'étendre et à s'élever parce qu'ils veulent ignorer la mort. Ils sont en proie au vertige…
(La chute du ciel. Davi Kopenawa. Plon 2010)


Vous dites : pourquoi ne devenez-vous pas civilisés ? Nous ne voulons pas de votre civilisation.
(Crazy Horse. Oglala Lakota)


… un dégoût vague de la vie civilisée, une sorte d’instinct sauvage qui fait penser avec douleur que bientôt cette délicieuse solitude aura cesser d’exister.
(Quinze jours au désert. Alexis de Tocqueville. Le passager clandestin 2011)


… il faut fuir ce monde invivable du masque et des écrans. Moi j’irai comme toujours vers les forêts. (…) je redeviendrai sain de corps et d’esprit ; je retrouverai la santé, la vraie, pas celle des laboratoires et de la chimie. Dans les sentiers des sous-bois, enfin libéré.
(Olivier. La Décroissance février 2021)


En s'abstenant de démarrer la culture intensive du maïs, ils se sont privés du moyen d'augmenter leur densité de population, laissant ainsi échapper une occasion unique de se hisser du niveau de la "communitas" à celui de la "civitas". Il est vrai que pour entretenir une chefferie ou un clergé, ils auraient sans doute dû abandonner leur paresseuse façon de cultiver le maïs et s'affairer à quadriller leurs terrasses alluviales d'un dense réseau de champs permanents. (...) on éprouvera donc certainement la sagesse des Achuar d'avoir préféré pour leur ordinaire la bière de manioc, le poisson fumé et le cuissot de pécari au triste brouet de haricots accompagnés d'indigestes tortillas.
(La nature domestique. Philippe Descola. Editions de la Maison des sciences de l'homme 2019)


Jyvukugi (...) veut asseoir sa domination sur la supériorité technique des siens et se moque des rustiques flèches des Iroïangi. Ne pouvant rivaliser sur ce plan avec les Beeru, il prend sa revanche sur plus pauvre que lui: le monde blanc est tel que l'égalité y est impossible; Jyvukugi avait rapidement compris cela.
Un chef n'est point pour eux un homme qui domine les autres, un homme qui donne des ordres et à qui l'on obéit; aucun Indien n'accepterait cela, et la plupart des tribus sud-américaines ont préféré choisir la mort et la disparition plutôt que de supporter l'oppression des Blancs.
Il ne fallait pas quitter la forêt, il ne fallait pas venir chez les Blancs: "Auprès des Beeru, les Aché ont cessé d'être des Aché. Quelle tristesse!" Ainsi Jyvukugi, la mort dans l'âme, chanta-t-il sa douleur, toute une longue nuit.
Quitter le monde blanc, rejoindre les Guayaki dans les bois, c'était au plus haut point retrouver une existence détendue, paresseuse, dont le rythme sans heurt s'accordait à la nonchalance indienne.
(Chronique des Indiens Guayaki. Pierre Clastres. Plon 1972)


La religion des employés de la station (...), celle des explorateurs, l'égoïsme de certains Blancs de passage, leur violence, les crimes et abandons d'explorateurs lors des dernières expéditions en ce territoire, des scènes d'ivresse, l'atonie de la civilisation des Blancs (...), leurs tristes loisirs, l'ennui, l'impuissance généralisée, l'incommunicabilité en ces bourgades coloniales amorphes, ce qu'il sait des massacres périodiques entre Qallunaat, au-delà des mers, tout cela est assurément de nature à faire réfléchir l'Esquimau sur lui-même et à lui faire se poser des questions (avec un préjugé favorable) sur ses vertus perdues, ses anciennes coutumes et sa religion ancestrale.
"Et puis, les ouvriers danois qui viennent construire nos maisons, l'été, ils sont souvent brutaux avec nos filles! Pourquoi?"
Ils ont vu trop de Blancs, d'expéditions américaines et autres, désemparés sur leur propre terrain, pour ne pas s'être fait une idée des faiblesses humaines de cette société technique.
(Les derniers rois de Thulé. Jean Malaurie. Plon 1989)


La prêtresse d’Apurimac, une jeune femme élue pour ses talents exceptionnels (…) est passée à la postérité pou s’être jetée dans le fleuve depuis le sommet de la montagne, préférant se donner la mort plutôt que tomber aux mains des Espagnols.
(Les Incas. Peter Eeckhout. Taillandier 2024)


(…) En 1961, lors de manifestations massives, des Bantou ont renoncé à leurs vêtements européens, à leurs lunettes et à leurs montres.

(Afrique ambiguë. Georges Balandier. Plon 1957)