Toutes les connaissances des Maquiritares vont ainsi être enseignées aux jeunes gens, jour après jour, matin et soir, à l'occasion de la fête. Il semble que ce peuple (…) ne puisse apprendre sans chanter, ni danser, ne puisse établir les relais de la connaissance de génération en génération, sans l'aide du corps physique de chaque homme.
(L'expédition Orénoque Amazone. Alain Gheerbrant. Gallimard 1952)


… le corps de l'homme est créature de l'espace, et qu'il n'en finit pas, semblable à tout autre corps, d'habiter un vaste creux du vide, de quel côté que ses pieds l'entraînent, semblable à tout autre corps céleste, sans autre marque d'origine que la trace volatile d'incessantes transmigrations, voilà tout.
(Solo d'un revenant. Kossi Efoni. Seuil 2008)


Or, Virocana, le cœur apaisé, s’en alla chez les démons. Il leur annonça cet enseignement : « C’est le corps tout entier qui doit être magnifié, le corps entier dont il faut prendre soin. En magnifiant ici le seul corps, en prenant soin du corps, on obtient les deux mondes, celui-ci et l’autre."
Le Soi, sache-le, est le maître du char,
le corps est le char lui-même,
sache que l'intelligence est le cocher
et le mental, les rênes.
(...) La traduction ne peut rendre compte de ce que dit la langue, du lien linguistique qui lit le maître du char et le cocher. Le char se dit "ratha", le maître du char se dit "rathin", littéralement "celui qui possède un char" - c'est le Soi -, et le cocher "sarathi", littéralement "celui qui est avec le char", mais l'on entend "sa-rathi", soit "celui qui est avec le maître du char, qui a relation avec le maître du char, le Soi".
(Les Upanisad. Alyette Degrâces. Fayard 2014)


... en montrant que toute abstraction s'enracine dans le geste humain, que le sens de la relativité et des valeurs naît de la dextérité première (le comptage et la distinction des doigts), Cushing réconciliait le corps individuel, les techniques, l'intellect et la sociologie, le sauvage avec le civilisé.
(Tenatsali ou l'ethnologue qui fut transformé en Indien. CNRS Editions 2022)


... dans la classification des ontologies qu'a proposée Philippe Descola le totémisme correspond à celle qui conjoint la ressemblance des intériorités et celles des physicalités.
(La caverne originelle. Jean-Loïc le Quellec. La Découverte 2022)


Le brusque "redressement" du mort déclenche une réaction en chaîne comparable à celle d'une explosion. Battements de tambours, femmes qui tombent, délire de l'assemblée... de tous côtés jaillissent des courants d'énergie dégagés par le défunt.
La séduction physique réside en une peau lisse, intacte, enduite à la moindre occasion de beurre de karité (...). Un homme beau, une femme belle se meut sans entrave, marche loin sans fatigue, danse, réagit d'une détente à une attaque.
(Le souffle du mort. Dominique Sewane. Plon 2020)


En tant qu'hommes, revêtir l'habit ne constitue pas réellement une transformation. Il nous faut agir, participer à des tâches communes...
(Solstice païen. Loude, Lièvre, Nègre. Editions Findakly 2007)


Le ciel et la terre sont le père et la mère de tous les êtres. Par leur union, ils forment le corps ; par leur séparation, on retourne à l’origine. Ainsi, qui garde l’intégrité de son corps et de son âme sait s’adapter à toute circonstance changeante.
La terre m’a donné un corps, la vie m’a fatigué, la vieillesse a relâché mon activité, la mort me reposera. Bénie soit la vie et par cela même bénie soit également ma mort !
(Oeuvre complète. Tchouang-tseu. Gallimard 1969)


Le corps divin est retrouvé en assumant sa part matériel, ses fonctions excrétoires. (…) « La salive se mue en essence, l’essence en souffle, le souffle en esprit », et encore : « le souffle se transforme en sang, le sang en essence, l’essence en salive, la salive en os » ou bien, suivant un autre cycle : « L’homme prend pour fondement le souffle primordial, fondement qui se cristallise en essence, laquelle se condense en corps. » (Yunji qiqian)
Les dieux sont des images sans corps en même temps que des fonctions somatiques épurées. Ils ne sont symboles que parce qu’ils plongent leurs racines dans ce que le corps a de plus matériel.
L’identité ne se pense qu’à travers l’altérité dont le corps est déjà le siège.
Les images de l’Enfant, les portraits de l’athlète divin ou de l’Éros sanglant sont à l’origine d’une érotique…
(Corps des dieux. SSLD Malamoud/Vernant. Gallimard 1986)