… les êtres de ce monde étaient en partie des dieux cloîtrés, cristallisés, limités dans leur pouvoir (…) le cosmos est formé de deux types de matière : l'une subtile, imperceptible ou presque, à l'être humain dans des conditions normales et l'autre pesante qui peut être perçue normalement par les sens de l'homme. (…) Les êtres terrestres (…) sont une combinaison des deux matières : à leur composition lourde, dure, perceptible, ils ajoutent une intériorité, une « âme », de matière subtile semblable à celle des dieux…
La fusion de différentes entités pour produire un nouvel être…
Les dieux du haut et du bas étaient des fragments du corps divisé de la déesse, et leur union était une violation de la séparation originelle.
(…) de l'union des dieux du ciel et de l'inframonde naquit le cours du temps.
(Les paradis de brume. Alfredo Lopez-Austin. Maisonneuve et Larose 1997)
Tout ce qui subsiste de l'existence physique et sociale des morts doit être détruit ou oblitéré : leurs possessions, leurs traces, l'usage de leur nom et les cendres de leurs ossements. Ce travail (…) constitue ainsi un effort, toujours précaire, pour garantir la séparation entre le monde des morts et celui des vivants. (…) Contrevenir à ce devoir primordial aurait condamné les revenants de leurs proches à errer entre deux mondes et les vivants à souffrir les affres d'une mélancolie infinie bien pire que la mort elle-même.
(La chute du ciel. Davi Kopenawa. Plon 2010)
… c'est ainsi que s'unirent, et apprirent à vivre unis, le silence et le son, les cantiques et la musique, le jour et la nuit, l'obscurité et les couleurs.
Les « choses sacrées » sont désignées telles du fait qu’elles sont « séparées », par divers dispositifs concrets ou interdits moraux. (…) [Le sacré et le profane] définissent et qualifient deux sphères de la réalité réputées impénétrables l’une à l’autre, qui se côtoient mais ne se mélangent jamais. Un ensemble d’interdits et de prescriptions – de tabous – interviennent pour éviter que le sacré n’entre en contact avec du profane et ne perde sa puissance : murs d’enceintes, symboles, tracés magiques, tabous alimentaires et sexuels, usages vestimentaires, règles matrimoniales, rites initiatiques contribuent à séparer des lieux, des objets, des groupes, des temps et à les tenir à l’écart du profane.
(Jean-Marie Husser. Les nouvelles de l’archéologie juin 2020)
… Yggdrasil des anciens Scandinaves, aux racines rongées par le dragon et couronné d’un aigle, sans cesse parcouru par un écureuil qui excite l’inimitié entre les deux créatures.
(Cosmogonies. Julien d’Huy. La Découverte 2020)
Lors de la séparation primordiale, la lune et les étoiles choisirent la nuit, en revanche le soleil opta pour le jour et c'est pour cette raison que tout projet d'union entre eux est vouée à l'échec. L'éclipse à Figuig est considérée comme intrusion d'un astre dans le soleil ou dans la lune. L'homme doit protester en créant un vacarme pour éloigner les astres et les empêcher de se réunir et de retourner à l'obscurité originelle et au temps zéro.
Le double victorieux gravit une immense colline, au sommet de laquelle des femmes l'attendent. Elles le saluent et lui offrent des bananes. L'âme ne doit surtout pas accepter leur offre, ni même leur répondre ou les saluer, sous peine de dévaler la pente raide (...). L'âme serait alors précipitée dans la Fosse-sous-la-Terre, et amener à s'y dissoudre ou, plus rarement, se métamorphoserait en bête carnivore ou en dangereux serpent.
(L'aube des mythes. Julien d'Huy. La Découverte 2023)
Furieux de l'impudence de son épouse, Lune décida alors de monter au ciel le long de la liane qui reliait autrefois la terre à la voûte céleste. Auju se hâta de le suivre par la même voie; mais alors que Lune était proche d'atteindre le ciel il demanda à l'écureuil "wichink" de couper la liane au-dessous de lui, provoquant ainsi la chute d'Auju.
(La nature domestique. Philippe Descola. Editions de la Maison des sciences de l'homme 2019)
Dans l'union, l'homme ensemence. Il est comme un génie de l'eau qui fait pleuvoir l'eau fécondante sur la terre et la femme, sur les graines des semailles. Ainsi se trouvent liés l'acte agricole et l'acte conjugal.
En parlant à une femme on la féconde. Ou du moins en introduisant en elle un germe céleste, on la met en état d'être humainement fécondée.
Le même verbe, qui prédisposait les matrices à l'union, attirait les hommes dans les plis du pagne dont chaîne et trame enserraient dans leurs fils les paroles des huit ancêtres.
"Le frappement du fonio, c'est comme si un homme égorgeait une victime sur un autel." (...) La graine (...) contenait bonne et mauvaise parole. Ce qu'elle avait de bon en était extrait et mêlé aux chants; ce qui était mauvais restait en elle, tombait au sol avec elle sous les coups des fléaux, tombait comme un sang. Comme dans le sacrifice, il y avait la séparation des principes spirituels de la victime; avec les chants était captée la bonne vertu; dans les graines répandues restait le mauvais principe, le sang menstruel représentant la dette due à la terre.
(Dieu d'eau. Marcel Griaule. Fayard 1966)
Elle devint vache, lui taureau. Il s'unit à elle, de là naquirent les vaches. (...) Ainsi, il créa chaque chose qui est par couple jusqu'aux fourmis.
(Les Upanisad. Alyette Degrâces. Fayard 2014)
… la cosmogonie bambara postule l’existence d’un vide originel appelé gla d’où sortit une voix, le verbe, qui, en exprimant son intention de créer, produisit son double et s’unit à lui.
(Jean Loïc le Quellec. Natives été 2021)
Il semble donc que Mair mène une double vie: doté de puissance sexuelle quand il circule dans le monde terrestre et privé de l'énorme attribut de sa virilité quand il est chef de village et responsable de l'ordre.
La vie sexuelle constitue toujours une menace pour l'ordre social; il n'est donc pas étonnant que Mair se protège en la supprimant: car son ordre repose sur une distinction des statuts et des pouvoirs que le commerce sexuel peut aisément abolir. Pour que la vie humaine soit possible, il est nécessaire d'établir un compromis entre Mair, d'une part, et la sexualité, d'autre part: entre un ordre idéal et une absence idéale d'ordre.
(Aimables sauvages. Francis Huxley. Plon 1980)
"Au début des temps, le plus jeune fils d'Adam désirait sa sœur jumelle et refusa les règles dictées par Dieu. A cause de cette révolte contre l'autorité divine, il devint le premier musulman."
Alors Indra le partagea en deux et, de cette partie de Vrtra qui relevait de soma, il fit la lune.
Quant à ce qu'il y avait de démoniaque en Vrtra, Indra le fit entrer dans le ventre des êtres vivants ici-bas.
(Mythes et légendes extrait des Brâhmanas. Jean Varenne. Gallimard 1967)
Le ciel et la terre sont le père et la mère de tous les êtres. Par leur union, ils forment le corps ; par leur séparation, on retourne à l’origine. Ainsi, qui garde l’intégrité de son corps et de son âme sait s’adapter à toute circonstance changeante.