Les Espagnols sont fascinés par les capacités musicales des Indiens.
(L'évangélisation des Indiens du Mexique. Eric Roulet. Presses Universitaires de Rennes 2008)


… les surenchères de vaines virtuosités au cours des jam-sessions, censément informelles mais en réalité théâtre de compétitions de plus en plus modélisées.
(Quand la musique illumine Chicago. Alexandre Pierrepont. Le monde diplomatique décembre 2009)


Celui qui n'est rien s'accomplit grâce à son chant…
(La mythologie de l'antiquité à la modernité. Jean-Pierre Aygon, Corinne Bonnet, Cristina Noacco. PUR)


… à Versailles, comme dans le palais de l'ensorceleuse, on chante, on danse et l'on se divertit, à condition d'avoir sacrifié sa liberté.
(Le jardinier de Versailles. Alain Baraton. Le livre de poche 2006)


[La science harmonique] est centrée sur la question de l'âme comme dunamis, c'est-à-dire le pouvoir (…) de relever l'aspect à la fois intelligible et vivant du monde constitué de qualités sensibles. (…) à l'Ame du Monde correspond, en fait, le chant comme paradigme, paradigme de l'âme et du corps. Elle correspond au temps et à la cyclicité, aux genres Même et l'Autre, à l'être et au non-être et, finalement, à la vie et à la mort.
Harmonie, alphabet et solfège, une grammaire musicale, nombres, lettres et syllabes illustrent le rapport de l'âme au savoir. La « dunamis », la puissance propre à la dialectique, se déroule « comme dans un rêve ».
(Musiques et danses dans l'Antiquité. Marie-Hélène Delavaud-Roux. Presses Universitaires de Rennes)


… la musique qui est l'instauratrice du temps dans le monde, marque dès le début de son alternance le moment où, après la mort des dieux créateurs, les forces célestes et terrestres donnent naissance à l'écoulement du temps.
D'autres personnes ayant exercé de leur vivant une profession aimable aux dieux n'ont pas besoin de purgation. Il s'agit des prêtres, des sages-femmes, des musiciens rituels, des danseurs, c'est-à-dire – si l'on veut donner une interprétation plus conforme à la pensée indigène – de tous ceux qui se sont laissés posséder par les dieux à travers leur métier et imprégner du divin au cours de leurs tâches quotidiennes.
(Les paradis de brume. Alfredo Lopez-Austin. Maisonneuve et Larose 1997)


Les musiciens tournaient et tournaient sans relâche, et il semblait que leur musique s'amoncel[ai]t dans la pièce comme une épaisse fumée, jusqu'à rendre l'atmosphère irrespirable. Nous étouffions d'émotion et de joie. Nous étions enfin témoins de quelque chose de vivant, d'inoubliable et d'inconnu.
On dirait la grise litanie d'un choeur de moines (…) litanie de terre, de sueur, de poussière, litanie de la nuit cherchant le jour, depuis que la terre est terre, infinissable (…) Je sens autour de moi, présent, presque palpable, tout ce qui s'est retiré de notre monde blanc, depuis que les mots sont devenus des sachets vides, depuis que nous avons désincarné le verbe.
C'est Cejovuma, notre hôte, le plus grand chanteur de la nation maquiritare, celui qui sait, détail par détail, toute l'histoire de la création du monde et des animaux, toutes les métamorphoses des fils du soleil…
Toutes les connaissances des Maquiritares vont ainsi être enseignées aux jeunes gens, jour après jour, matin et soir, à l'occasion de la fête. Il semble que ce peuple (…) ne puisse apprendre sans chanter, ni danser, ne puisse établir les relais de la connaissance de génération en génération, sans l'aide du corps physique de chaque homme.
C'était le sorcier guaharibo qui chantait, accroupi près du foyer de son village. Tout autour de lui et de nous, tout autour de ces deux petits et précaires oasis humains, l'obscur inconnu était déchaîné. Alors entre les hamacs des gens endormis, près du petit foyer qui ne doit pas s'éteindre, le sorcier guaharibo s'était accroupi et chantait. (…) Mais je fus saisi et me souviens encore de l'urgente nécessité qui jetait dans la nuit ces mots que je ne pouvais comprendre (…) Tandis qu'autour de lui dormaient les femmes, les hommes et les enfants, le sorcier guaharibo, accroupi près du foyer rouge, ouvrait la bouche et crispait ses entrailles. Il y avait un petit soleil dans son ventre. Il s'identifiait au feu. Il était le réceptacle et le gardien de la flamme par laquelle grandissent les siens. Il exorcisait. Il travaillait. Il luttait contre toutes les monstrueuses forces de l'obscur, qui se pressaient à un mètre, à cinquante centimètres de lui et s'entrechoquaient. Le petit soleil dans son ventre, était sa seule arme. Il animait la vie. Le sorcier chantait pour que s'affermisse l'aube humaine. Son souffle rayonnait autour de lui comme à partir du centre d'une étoile. Au début des bras de cette étoile son peuple dormait, le corps traversé par ce souffle. (…) Sur les milliers et les milliers de kilomètres de la vaste terre, entre la détresse et le rire, c'est ainsi que, tout de même, avance, microscopique et lente, la vie de l'homme nu, entre le chaud et le froid, entre le mal et le bien, autour des hommes qui chantent, au cœur de leurs étoiles.
(L'expédition Orénoque Amazone. Alain Gheerbrant. Gallimard 1952)


… nous, chamans, nous n'avons que faire de tels papiers de chants. Nous préférons garder la voix des esprits dans notre pensée. (…) j'ai vu moi-même, après nos anciens, les innombrables lèvres mouvantes des arbres à chants et la multitude des xapiri qui s'en approchaient ! Je les ai vus de très près, en état de revenant (…). J'ai vraiment entendu s'entrelacer leurs mélodies infinies !
(La chute du ciel. Davi Kopenawa. Plon 2010)


[Les Apapocuva-Guarani] recourent au chant à la moindre difficulté ou même lorsqu'ils se sentent déprimés. Il est très rare qu'une seule nuit ne se passe sans que quelqu'un entonne un chant magique. (…) le premier ancêtre [ona] qui inventa le chant était capable de tuer un cétacé et de le ramener jusqu'au rivage par ce seul moyen. (…) dans la mythologie des Witoto (…) les mots, c'est-à-dire les chants, étaient considérés comme plus importants que les dieux, parce que sans les rites et les fêtes au cours desquelles ils étaient chantés, les dieux ne pouvaient rien réaliser.
Les Cagaba expliquaient la puissance magique des danses qu'ils exécutaient en affirmant qu'elles leur avaient été transmises par les esprits – ceux-là même qui causaient les maladies et d'autres troubles - , et que ces esprits étaient contraints de renoncer à leurs intentions malveillantes lorsque les danses étaient exécutées. (…) Au XVIème siècle comme tout récemment, les Guaranis dansaient frénétiquement, afin d'atteindre la Terre-Sans-Mal. Le pouvoir qu'ils attribuaient à la danse était tel qu'ils étaient persuadés qu'eux-mêmes et leur maison cérémonielle s'envoleraient au ciel, à la condition de danser suffisamment longtemps.
(Ecrits d'Amazonie. Alfred Métraux. CNRS Editions 2013)


Il savait que les cachets l'empoisonnaient lentement. Il pouvait les prendre et mourir jeune, ou bien ne pas les prendre et vivre éternellement avec la musique dans sa tête.
(Indian Killer. Sherman Alexie. Albin Michel 2013)


« Tous les chants ne sont pas religieux, mais il n'est guère de tâche, facile ou difficile, guère d'évènement, important ou ordinaire, qui n'ait une chanson correspondante. Dans presque tout mythe indien, le créateur chante les choses de la vie. Pour l'Indien, la vérité, la tradition, l'histoire et la pensée sont préservées dans le rituel de poésie et de chant... » (Nathalie Curtis)
« Les chansons (…) sont des pensées chantées et portées par le souffle, quand on est mu par de grandes forces et que les discours ordinaires ne suffisent plus. » (Orpingalik)
(Pieds nus sur la terre sacrée. TC Mac Luhan. Denoël 1974)


Peut-être la possibilité du bonheur est-elle fonction de la possibilité de rythmer, de drainer l'énergie psychique. Ce qui se passe dans l'amour physique, dans la transe (…) dans la musique, dans le sport (…) Peut-être le bonheur passe-t-il par le fait de lancer ses forces au point qu'elles se développent seules. L'effet de libération que cela entraîne (et la perte de conscience).
(Il y a des dieux. Frédérique Ildefonse. PUF 2012)


… les gens ne s'attachaient pas à lui, ni lui à eux. Ils étaient sans relief, lisses, sans aspérités. Ils le laissaient indifférent. Des portes sans serrure quand, la plupart du temps, il ne possédait aucune clef. Pire qu'une voie sans issue : un carrefour permanent, et la pléiade des possibles. Il subissait au premier degré l'infinitude du Monde, l'abstraction du temps, de la portée des choix, trouvant alors refuge dans son intérieur poreux, perméable, mais familier. Et dans la musique.
(Régis. James Osmont. Librinova 2016)


… des suites de sons harmonisés ont pu contribuer à l'émergence de la vie.
(Une science qui dérange ? Isabelle Capitant de Villebonne. Nexus mai 2017)


... la perception du temps n'est que l'expérience subjective d'une réalité statique à quatre dimensions, l'espace-temps, que Thibault Damour compare à une partition musicale qui serait créée instantanément dans le cerveau génial d'un compositeur et qui est déjà écrite au moment où nous l'écoutons.
Il n'existe d'ailleurs pas de théories physiques opératoires au sein desquelles le devenir (la flèche du temps) soit d'emblée intégré (...). Dès lors, la façon dont on peut rendre compte du devenir en physique ne peut être qu'une affaire de lecture - ou d'exégèse - de théories qui ne l'incluent pas dans leurs principes.
... l'idée du déniaisement nécessaire qui permet à l'esprit de contempler la Vérité nue. (...) un Paradis d'où le Temps est exclu...
... dans la théorie musicale, les mécanismes temporels ont souvent été étudiés afin de rendre compte d'un "temps musical", ou de la "musique comme art du temps"...
(Temps de la nature, nature du temps. SLDD Bouton-Huneman. CNRS Editions 2018)


Ce que la musique lui faisait voir (...), c’était la perte d’une vie antérieure, cosmique, hors du temps (contemporaine de la musique qu’il écoutait) et qui embrassait tout l’univers.
(Sympathie pour le démon. Bernardo Carvalho. Métailier 2016)


[Les Hopis] considèrent (...) qu'il y a deux choses fondamentales dans la vie: danser et chanter; le reste est secondaire (...) ils ont reçu dans leur spiritualité un chant particulier, qui leur a été annoncé comme étant le chant de la création du monde. (...) La perte de ce chant entraînerait celle de l'humanité.
(La dimension thérapeutique du son . Franck Nabet. Nexus juillet 2019)


De façon générale, les Yakoutes attribuent au verbe et à la prosodie chantées des vertus miraculeuses. La parole humaine à leurs yeux possède une force intérieure propre à attirer l'attention des esprits.
... le spectacle de la nature féconde, la fébrilité d'avant la fête, les déplacements répétés, les jeux et les chants des jeunes, les retrouvailles entre parents, les conversations avec des amis de jeunesse venus de loin pour manifester leur compassion, le brassage des meilleurs souvenirs, tout cela combiné aux sacrifices consentis pour le plaisir des festivités ne peut que remonter le moral, redonner l'appétit et rendre goût à la vie...
(Gavriil Ksenofontov. Les chamanes de Sibérie et leur tradition orale. Albin Michel 1998)


Je compris alors que j'étais un enfant perdu, à la recherche des dieux. (...) Je me rappelai mon sentiment de liberté, dix ans plus tôt, dans cette forêt. (...) A l'époque, les dieux du monde où j'évoluais résidaient dans les arbres, les feuilles, les fruits, la terre. En cet instant, ils habitaient le son.
Je ne savais pas où était ma place; mais l'inconfort qui en découlait s'évanouissait au contact de la terre et de l'herbe, à l'écoute du chant des oiseaux dans les branches et des cris des bêtes au loin. Seules mes promenades en solitaire me donnaient un sentiment d'appartenance au monde.
C'était ce même sentiment que j'avais retrouvé dans les entrailles du piano. Cette sensation d'être en harmonie avec le monde, sa beauté miraculeuse que je ne pouvais exprimer à travers les mots...
Même si je ne possédais rien, la beauté, la musique, tout était là depuis les origines du monde.
(Une forêt de laine et d'acier. Natsu Miyashita. Stock 2018)


... l'art inhumain, désordonné, (...) qui ne connaît pas de limite dans le mouvement des doigts sur les cordes, l'art venu d'un autre monde (...) applique au creux de la main le tranchant d'une lame de canif, elle l'entaille sur la ligne de vie et tu en portes ensuite, et pour toujours, la cicatrice.
(Solénoïde. Mircea Cartarescu. Noir sur Blanc 2019)


Danser comme si le temps ne comptait que pour en garder la mesure, danser comme si le temps lui-même était discontinu, disparaissait, fuyait, ou en plongeant dans le néant sous nos pieds, sauter, rentrer les épaules comme pour esquiver l’air dans lequel on est suspendu, nos plumes se changeant en palpitations de l’écho des siècles passés, tout notre être prenant la forme d’une envolée.
(Ici n’est plus ici. Tommy Orange. Albin Michel 2019)


« C’était un plaisir de voir cet embarquement, note Radisson, car toutes les jeunes femmes embarquaient toutes nues, les cheveux pendant. » Debout sur les embarcations, elles chantent durant des heures (…). « Elles n’ont pas du tout honte de tout nous montrer… »
La danse a en effet pour eux une forte affinité symbolique avec la mort. Ils ont l’habitude de la pratiquer jusqu’à l’épuisement, répétant encore et encore des gestes qui ne semblent avoir d’autre finalité que l’extinction de leur vigueur corporelle.
(L’Amérique fantôme. Gilles Havard. Flammarion 2019)


Jouer de la musique, c’est ordonner l’instant où l’on se trouve par rapport à une ligne continue, construire une temporalité.
… quand elles entendirent les hommes chanter et cogner les bâtons de chant, elles craignirent la puissance des rituels que les hommes leur avaient dérobés.
(Cosmogonies. Julien d’Huy. La Découverte 2020)


Si quelqu’un a le désir du monde du chant et de la musique, par sa seule intention chant et musique surgissent. Et associé au monde du chant et de la musique, il se réjouit.
Ce monde en vérité est une triade: nom, forme et acte. La parole est l'uktha, la récitation (...). Elle est le saman, la mélodie, parmi eux car elle est égale à tous les noms (...). Ainsi est pointée la nature du monde comme flux de transmigration dont la sphère est l'ignorance.
Il s'assoit et chante cette mélodie. Car il est égal/le même ou sama, le brahman est saman, cette mélodie dont la forme est non-différente du tout.
(Les Upanisad. Alyette Degrâces. Fayard 2014)


Dès que l’aube se répandait sur le sommet des montagnes, quatre bergers annonçaient la fête au son de leurs fifres et de leurs trompettes, et après avoir parcouru le village, ils se rendaient chez le plus âgé des habitants qui devait présider cette cérémonie, prenaient ses ordres, et recommençaient leurs fanfares en prévenant tous les habitants de préparer une omelette. A dix heures, tous se rendaient sur la place, le vieillard se plaçait au milieu d’eux, et quand il leur avait annoncé l’objet de la fête, ils exécutaient autour de lui une farandole, leur plat d’omelette à la main. (…) Jusque vers le milieu du XIXème siècle, les jeunes paysannes des Lacs, commune des environs de la Châtre, allaient, aux approches de l’équinoxe du printemps, cueillir une grande quantité de primevères, dont elles composaient de grandes pelotes qu’elles s’amusaient à lancer dans les airs. De très vieilles personnes assuraient que cet exercice était anciennement accompagné d’un chant bizarre et presque inintelligible, où les mots « Grand soulé ! petit soulé ! » revenaient à plusieurs reprises en manière de refrain.
… dans le Vaucluse, les tavelleuses, jeunes filles qui travaillaient aux moulins à dévider la soie, appelés tavelles, se réunissaient pour faire une sorte de radeau qu’elles enguirlandaient de rubans et de rameaux de buis. Elles y plaçaient des poupées et un certain nombre de coquilles d’escargots garnies d’huile et de mèches qu’elles allumaient, puis elles abandonnaient l’esquif sur le courant du ruisseau le plus voisin de la fabrique, et le suivaient en chantant jusqu’à ce qu’un obstacle eût fait sombrer la frêle embarcation.
Il y a une centaine d’années, les bergères et les bouvières du Poitou portaient le jour du Carnaval, la crêpe à la pie ; elles la suspendaient aux plus hautes branches d’un arbre auxquelles elles attachaient des bruyères, des lauriers, des rubans, et elles dansaient autour ; en récompense la pie avertissait de l’approche du loup.
Le dimanche des Brandons, à la chute du jour, les collines et les plaines de la Bresse présentaient le spectacle d'une infinité de torches ardentes que les enfants portaient çà et là et agitaient principalement sous les arbres fruitiers en criant: "Plus de fruits que de feuilles"; il y a quelques années, ils criaient: "Pourta, pomi, atant dé foliet qué dé frui."
Les jeunes gens du Forez, avant d'aller annoncer la belle apparence des récoltes, plantent à l'entrée du village un pin ou un sapin, et dansent autour en chantant.
En Haute Bretagne, on fait encore, comme au XVIème siècle, des "flustes en escorce de chataignier"...
Le chêne Beignet, qui existait il y a cinquante ans à peine à Neuillé, était entouré d'un cercle de grosses pierres, et tous les ans, à la Chandeleur, les bergères apportaient chacune œufs, huile ou farine, faisaient des crêpes ou des beignets, puis y dansaient jusqu'à la nuit.
(Croyances, mythes et légendes des pays de France. Paul Sébillot. Omnibus août 2002)


Ecole d’un authentique sens du bien commun et d’un véritable esprit du vivre ensemble, dans le fondement tribal de la Danse du Soleil, seul le « nous » compte. Et la communauté.
(Maurice Rebeix. Natives automne 2021)


Les danses et les chants sacrés te donnent le choix d’exclure le mauvais. (…) Dans les cérémonies du Bwiti, nous dansons et chantons toute la nuit : femmes, hommes et enfants. Ce sont des offrandes, car les génies de la nature et les ancêtres dansent et chantent eux aussi avec nous.
(Assossa Soumouna. Natives automne 2021)


Ainsi, les Ghosts Shirts sont-elles des projections presque cartographiques du monde céleste, dont s'enveloppent les danseurs, qui se font accompagner de l'aigle messager du ciel. Elles les aident à entrer dans la transe, par cette expérience de "mort" au cours de laquelle les danseurs abandonnent leur corps terrestre pour accéder au monde des étoiles, où le Grand Esprit veille sur tous les défunts.
(Ce qui est arrivé à Wounded Knee. Laurent Olivier. Flammarion 2021)


On dansait pour faire venir le bison, pour faire venir l'ours ou le caribou (...) on dansait pour faire venir la pluie (...). On dansait pour guérir, des maladies de l'âme, de la folie, du mal qui est de s'accomplir en dehors de la beauté.
La beauté pour eux n'est pas atteinte par le paroxysme, le rêve et le désordre, mais par le rythme, qui est pour eux la séquence infiniment reproduite où alternent le rejet et l'accueil, l'exorcisme et la guérison, la jeunesse et le vieil âge, le haut et le bas, le mal et la bonté des Dieux...
(Partition rouge. Points 1988)


... la puissance symbolique et politique des bouffons rituels qui, sous leur apparence de monstres facétieux, dont le comportement transgresse toutes les normes sociales, jouent en réalité un rôle de médecins, de gardiens des traditions et d'éducateurs des enfants, auxquels ils apprennent les chants sacrés et les mythes.
... la cérémonie de transformation (ou l'échange de ma personne spirituelle) (...) car ces Indiens (...) considèrent que le danseur dans les drames sacrés, après s'être convenablement peint le visage (...) peut changer ou transformer sa personnalité en mettant ou enlevant simplement son masque...
(Tenatsali ou l'ethnologue qui fut transformé en Indien. CNRS Editions 2022)


... des "kinno", sorte d'hommes primitifs qui se transforment en humains véritables quand ils acquièrent chants, danses, tissage et agriculture. (...) des sortes d'hommes-fourmis perdent la capacité de voler et deviennent des humains véritables.
... la danse qu'il venait d'effectuer n'était pas le symbole de la renaissance du monde, mais bien un acte réel de (re)création. (...) Car la danse retrace les pas des premiers ancêtres à leur apparition dans le monde. (...) l'ancêtre est toujours présent en lui.
(La caverne originelle. Jean-Loïc le Quellec. La Découverte 2022)


La fête est célébrée dans l'espace-temps du mythe et assume la fonction de régénérer le monde réel. (...) Ces fêtes et ces célébrations obéissent au principe de la générosité et du partage. Il faut que la substance vitale, la nourriture, circule avec générosité et toute avarice est jugée négativement et considérée comme nocive à la régénérescence de la nature et à la vie de la communauté.
Pendant les fêtes saisonnières, on se repose, on se réjouit; le travail est interdit (...) on laisse des régimes de dattes dans les palmiers ou on offre gracieusement à ceux qui n'en ont pas, on laisse des abricots tomber dans le sol, du blé dans la glèbe, des fils de laine sur le dos des moutons lors de la tonte tlasa, des cheveux dans la tête de l'enfant lors de sa première coiffure... On donne un poussin de la couvée (...) un agneau, du colostrum, du lait, etc. (...) C'est ainsi qu'on vit rituellement les rythmes cosmiques.
Si autrefois le mariage était une affaire de communauté ou de deux familles, celle de la femme et celle de l'homme, aujourd'hui il n'est plus ou presque qu'une affaire individuelle. (...) ce même principe de magie homéopathique: en portant, en me comportant comme l'Européen ou l'Occidental jugé très développé, je me considère comme lui et par la suite je le deviens. Même la musique destinée à ce jour n'est plus celle produite par des groupes musicaux locaux mais elle est importée sous forme de chansons enregistrées et diffusées avec du matériel acoustique japonais...
(Une mythologie berbère. Hassane Benamara. L'Harmattan 2022)


… communautés indiennes entières suivant leurs « hommes-dieux » vers la « terre sans mal », dans laquelle on ne meurt plus, où il n'y a plus de travail, et se livrant à la folie d'une danse perpétuelle, qui les allégerait jusqu'à pouvoir s'envoler, passer les rivières comme des oiseaux…
La danse est (…) un moyen d'entrer en communication avec les êtres surnaturels…
Les tableaux pittoresques que nous ont tracés les anciens chroniqueurs des scènes auxquelles donnaient lieu ces fêtes rendent bien l'exaltation sauvage dont étaient possédés ces Indiens ordinairement si calmes. Il n'y a rien de surprenant à ce que cet état fût considéré par les Tupinamba comme une sorte de crise mystique collective dans laquelle tous s'élevaient en quelque sorte au-dessus d'eux-mêmes.
(La religion des Tupinamba. Alfred Métraux Puf 2014)


La procession démarre au point du jour, au lever du soleil, lorsque réapparaît la lumière. On traverse la cité, mobilisant peu ou prou l'ensemble de la communauté: personne ne pouvait ignorer ce jour de fête.
... elle réserve fort peu de place à la prise de psychotropes; ce n'est pas là, selon elle, qu'il faut chercher les voies d'accès privilégiées au divin: musique, danse, chant jouent un rôle bien plus déterminant.
... les images témoignent du fait que la transe résulte surtout des effets de la musique, des percussions, des cris, de la danse. (...) Il existe selon Françoise Frontisi une distinction clairement genrée: pour les Grecs, la nature féminine, déjà humide, n'a pas besoin de vin pour se laisser envahir par Dionysos.
"Il n'est pas rare de voir ainsi un possédé se jeter de toutes ses forces la tête contre une porte, de se brûler le corps avec des cigares incandescents, de manger à même la bête les intestins des animaux sacrifiés et de se saisir à mains nues des serpents." (Katerina Keterestetzi)
(Au plaisir des dieux. Adeline Grand Clément. Anacharsis 2023)


Il s'agit par exemple du Maïouma, fête associée à des spectacles et réjouissances aquatiques, donc dénudées. Ces fêtes sont vivement critiquées par les autorités chrétiennes, en raison de leur caractère licencieux, et taxées de paganisme. (...) des comportements considérés par les élites comme contradictoires avec un mode de vie chrétien, et l'accusation de paganisme a en ce sens une fonction de mise à distance et de stigmatisation, qui sert finalement à mieux définir les contours de la communauté chrétienne.
(Le Proche-Orient. Catherine Saliou. Belin 2020)


... s'ils tiennent compte de la fertilité différentielle des sols, les Indiens affirment aussi que la durée de vie et la productivité d'un jardin sont autant fonction des aptitudes magiques de la femme qui le travaille que des contraintes écologiques locales. Ces aptitudes sont spécifiées par l'expression "anentin" qui, appliquées à un individu, dénote tout à la fois l'ampleur de ses connaissances magiques, sa capacités à manipuler les champs symboliques propres à son sexe et les rapports particulièrement féconds qu'il entretient avec les esprits tutélaires gouvernant les sphères d'activités où il s'engage. (...) L'exigence constitutive de l'état "anentin" est la connaissance de nombreux chants magiques "anent" (...). Le terme "anent" procède de la même racine qu'"initai", "le cœur", organe dont les Achuar pense qu'il est le siège de la pensée, de la mémoire et des émotions (...). Les incantations "anent" sont donc des discours du cœur, des suppliques intimes destinées à influer sur le cours des choses.
(La nature domestique. Philippe Descola. Editions de la Maison des sciences de l'homme 2019)


"Ils dansent leur joie et ils dansent leur souffrance; ils dansent l'amour et ils dansent la haine; ils dansent pour appeler la prospérité et ils dansent pour éloigner la calamité; ils dansent religieusement et ils dansent pour faire passer le temps." (Görer)
(Ethnosociologie du corps dans les pratiques et les rituels chez les Bandjoun de l'ouest-Cameroun. Raymond Charlie Tamoufe Simo. Connaissances et savoirs 2017)


Quand un vieux entend le chant qu'improvise un jeune, vous savez, pendant les joutes d'un "tibènti", il se dit: "owon", "il a vu".
Le brusque "redressement" du mort déclenche une réaction en chaîne comparable à celle d'une explosion. Battements de tambours, femmes qui tombent, délire de l'assemblée... de tous côtés jaillissent des courants d'énergie dégagés par le défunt.
... une vérité que, pour ma part, je ne fais qu'entrevoir. Seul le rite nocturne d'un "tibènti" parvient à l'exprimer, mais dans le langage impossible à traduire des trompes et des tambours, au travers des gestes des Vrais Hommes.
(Le souffle du mort. Dominique Sewane. Plon 2020)


"Frapper les graines, c'est frapper brutalement les forces, c'est-à-dire la parole, qu'elles contiennent." Ainsi les chants forment un réseau sonore dans lequel vient se prendre la force bénéfique, la bonne parole extraite par la violence.
"Le frappement du fonio, c'est comme si un homme égorgeait une victime sur un autel." (...) La graine (...) contenait bonne et mauvaise parole. Ce qu'elle avait de bon en était extrait et mêlé aux chants; ce qui était mauvais restait en elle, tombait au sol avec elle sous les coups des fléaux, tombait comme un sang. Comme dans le sacrifice, il y avait la séparation des principes spirituels de la victime; avec les chants était captée la bonne vertu; dans les graines répandues restait le mauvais principe, le sang menstruel représentant la dette due à la terre.
(Dieu d'eau. Marcel Griaule. Fayard 1966)


... au cœur de la nuit, m'éveille un bruit familier: un homme est en train de chanter. A genoux et assis sur les talons, Chachubutawachugi (...) semble défier les ténèbres (...). De temps en temps, distraitement il attise le feu dont les flammes joue sur son corps entièrement nu.
Sans trêve, au fil des heures, Chachubutawachugi fait retentir la nuit de ce qu'il clame au ciel et à la terre: les mortels ne sont pas coupables, ils ont une fois de plus conquis le droit d'exister sous le regard des divins.
Cérémonie générale où l'on célèbre à la fois la société comme tout rassemblé, et la nature comme lieu de l'ordre, le Tö kybairu répond, autour du miel nouveau que l'on consomme ensemble, dans les divertissements où l'on pèse l'amitié, et dans les joutes amoureuses où presque tout vous est permis, à l'attente secrète de chacun, à l'appel sacré de la joie de vivre: il est la Fête.
(Chronique des Indiens Guayaki. Pierre Clastres. Plon 1972)


... la belle amante de Neqi (...) chantera en 1971, lors de son agonie à l'hôpital de Thulé, les vieux ayayak, appelant désespérément à son aide les chers esprits familiers.
(Les derniers rois de Thulé. Jean Malaurie. Plon 1989)


Alors il serait Arioï, et le frère de ces Maîtres-du-jouir, qui, promenant au travers des îles leurs troupes fêteuses, célèbrent les dieux de vie en parant leurs vies même de tous les jeux du corps, de toutes les splendeurs, de toutes les voluptés.
(Les Immémoriaux. Victor Segalen. Points 1907)


... c'est la voix des tambours qui appellent les Esprits.
Les vibrations de la parole sont très importantes.
C'est le son qui active les pouvoirs magiques.
(Cinq tambours pour deux serpents. Mireille Aïn. Plon 2022)


Je supposais, comme une évidence, l'existence d'un universalisme fait du partage, non seulement d'idées principielles, mais de tolérance et d'écoute à l'égard de pensées qui pouvaient diverger de celles couramment admises. (...) L'univers des savoirs dans lequel je m'efforçais d'entrer était à l'image de cette extraordinaire expérience que j'avais vécue enfant, d'apprendre le violon puis de me retrouver dans un orchestre d'enfants d'un conservatoire, emporté, transcendé par la grâce de la musique, à l'unisson des autres enfants, vers un monde d'harmonie auquel nous accédions ensemble, sans plus de différence.
(L'esprit politique des savoirs. Jacques Commaille. Editions de la Maison des sciences de l'homme 2023)


... certains airs tembé rappellent les chants grégoriens et tous ont une consonance plaisante et harmonieuse qui contraste avec les gémissements convulsifs des chants urubu...
A quoi rimait cette cérémonie où personne ne s'était orné de plumes? Où on ne s'était pas saoulé? Où nul n'avait entendu le nom du bébé, ni répété ce nom après le parrain pour être sûr de le savoir? Où personne, enfin, n'avait dansé ni chanté?
(Aimables sauvages. Francis Huxley. Plon 1980)


C'est un mâle qui tend, qui tire le fil,
un mâle qui l'a tendu au firmament.
Voici les chevilles. - Ils ont pris place sur le siège;
les navettes à tisser, ils en ont fait des mélodies.


Où donc le non-Né est-il visible?
Le savent ceux qui savent à fond mélodie après mélodie.
(Hymnes spéculatifs du Véda. Louis Renou. Gallimard 1956)


... la mélodie est caractéristique du dieu de la mort Yama, car le but est d'aider le mort à parvenir au royaume de Yama (...). Ce poème, traditionnellement attribué à la Reine des serpents est pour l'essentiel une invocation au Soleil (...) le serpent mythique Arbuda s'est débarrassé de sa peau morte grâce à ses strophes...
... ce qui est de [la] compétence exclusive [des brahmanes], c'est le savoir qui compte vraiment, et tout d'abord le texte révélé et sacré, (...) le Veda comme "audition" qu'ils connaissent pour l'avoir appris par cœur à force de l'entendre et de le répéter. Et le meilleur brahmane est celui qui (...) peut se targuer d'être un "savant", c'est-à-dire particulièrement versé dans la masse des séquences sonores qui forment le savoir authentique.
(Le jumeau solaire. Charles Malamoud. Seuil 2002)


... qui se croit achevé chante, ou se plaît aux chants.
(Mythes et légendes extrait des Brâhmanas. Jean Varenne. Gallimard 1967)


Norouz se présente également avec les couleurs rouge et noir d’un Hérault dont le chant et le rythme de son tambourin suffisent à répandre la joie.
Au sein de nombreux villages et villes d’Azerbaïdjan (…) des cortèges de marionnettes et des chanteurs annoncent le printemps aux habitants. Un solo est généralement accompagné d’un choeur qui reprend les refrains…
… Kösa et Keçal vont toujours en couple et sont complémentaires : le premier est plutôt rusé l’autre un peu stupide : ils chantent, ils dansent et font des blagues.
(Le matin des dieux. Salvatore D’Onofrio. Editions Mimésis 2018)


La danse est la seule forme d’art traditionnel qui ait survécu en Afrique.
Pendant la première partie de la danse, il se transforma en mime. Tel un sorcier, il prenait tour à tour des formes animales et humaines (…). Les dons exceptionnels de ce cultivateur, qui ignore la danse professionnelle, font de lui le gardien inconscient d’une culture fragile, trop facile à briser.
(La danse de l’araignée. Alexander Alland. France Loisirs 1984)


Un troisième s’est mis en bandoulière un estagnon vide, sur lequel il joue avec deux bâtonnets. Cet instrument de fortune échappant aux règles traditionnelles lui laisse la liberté d’improvisation ; il tient le rôle du batteur qui impose ses variantes sur les rythmes prescrits.
Dans le mouvement de la danse chacun agite une branche de feuillage, comme si le bosquet sacré où les femmes tiennent leurs réunions privées s’était transplanté sur la place publique. On abandonnera ce rameau sur les toitures des cases environnantes lors des temps de repos et quand toute réjouissance aura cessé. (…) Un chant en langue archaïque, construits sur trois brefs fragments repris à trois parties, évoque d’une manière monotone le thème de la douleur. La répétition semble ne devoir jamais finir. Elle s’impose avec une puissance insidieuse qui renforce l’effet physique d’une chorégraphie elle-même interminable et sans diversité. Je ne peux douter qu’une telle pratique ne soit à la longue efficace ; une véritable préparation opératoire qui fait perdre à la clitoridectomie son caractère effrayant.
La danse se poursuit, inlassablement, assez souvent dissociée du chant. Elle sert de prétexte à une évasion hors des mouvements imposés, comme si l’un des participants voulait soudain rendre publiques les émotions montant en lui, s’exprimer par le plus éloquent des langages que connaisse l’Africain. Il n’y a pas d’acte important qui ne possède dans le monde noir sa chorégraphie propre.
Cependant, le samedi soir et le dimanche, toutes contraintes relâchées, les citadins noirs donnent libre cours à leur faim de joie, de détente corporelle, de communication avec autrui. Dans tous les quartiers, autour des « tam-tam » (…) ou des orchestres de fortune, les danses ne s’interrompent plus. (…) Au-delà, dans les quartiers européens, l’ennui des dimanches s’installe.
(Afrique ambiguë. Georges Balandier. Plon 1957)


« Alors seulement commence son activité magique lorsqu’après un certain temps, comme [le chamane] le dit lui-même, ce n’est plus lui qui chante, mais sa personnalité seconde, laquelle entonne le chant et le continue, si bien que le sorcier ne fait plus que lui prêter sa voix. » (Gusinde)
(Le monde magique. Ernesto De Martino. Bartillat 2022)


Les théoriciens et les artistes hindous (…) enseignent qu’il faut, pour devenir sculpteur ou peintre, d’abord passer par l’apprentissage du chant, puis de la musique instrumentale, enfin se familiariser avec les techniques de la danse : façon de dire, semble-t-il, que tous les arts ont en commun le mouvement et le rythme.
(Corps des dieux. SSLD Malamoud/Vernant. Gallimard 1986)


Ce sont de grands espaces qu’ouvre ce chant dans la mémoire, celui des montagnes insoumises, des déserts orientaux (…). C’est cette mémoire-là qu’on retrouve en ces chants kelftiques, en ce lyrisme inné qui fait parler entre elles les montagnes, pleurer les aigles et les rochers, gémir les fleuves. Et je suis sûr que la façon dont chante Angéliki est elle aussi mémoire de la gorge et des lèvres, celle que ne peut restituer aucun Conservatoire.
… Bambakaris connaissait la musique d’une façon instinctive et de lui-même il n’aurait jamais eu l’idée de noter ses improvisations. Tels les conteurs des siècles précédents, il était capable de jouer n’importe quel morceau de mémoire. (…) le rébétiko est né dans les quartiers grecs des villes d’Asie Mineure, Smyrne-Izmir surtout, Aivali, Brousse-Bursa, Constantinople-Stamboul, Aydin et d’autres encore.
(L’été grec. Jacques Lacarrière. Plon 1975)