La chaleur peut croître avec les charges que l'individu accomplit à l'âge mûr. Elle peut devenir si grande chez certains qu'ils peuvent être identifiés aux ancêtres (…) par « co-essence ». Cette acquisition de chaleur implique la perte de la sexualité.
(Les paradis de brume. Alfredo Lopez-Austin. Maisonneuve et Larose 1997)
… son mari resterait plaqué à son ordinateur ce soir, jusque tard dans la nuit. Tant mieux. Inutile de trouver des excuses pour ne pas faire l'amour.
(La forêt des ombres. Franck Thilliez. Le passage 2006)
Les Indiens qui n'étant pas malades fréquentent les bains de vapeur (temazcales) recevront cent coups de fouet et demeureront attachés deux heures sur la place du marché et s'ils se lavent nus en public, ils seront réprimandés.
(L'évangélisation des Indiens du Mexique. Eric Roulet. Presses Universitaires de Rennes 2008)
… l’organisation paroissiale chrétienne, qui porte à un point culminant la fusion des corps et des maçonneries. L’intimité des chairs, des os et des pierres est ici totale, le monument « Eglise » assurant dans l’aire sacrale du cimetière le bon déroulement d’une résurrection temporaire des corps, prélude à la réunion des chrétiens avec leur créateur dans la Jérusalem céleste.
(Claude de Mecquemem. Les nouvelles de l’archéologie juin 2020)
"Paradoxe, donc: le dépassement, l'outrepassement de l'animalité qui imprègne l'homme conduit celui-ci à exhausser l'animal (...) au rang de puissance." (Alain Médam)
(La caverne originelle. Jean-Loïc le Quellec. La Découverte 2022)
... ceux qui sombrent dans la débauche perdent leur statut de "bons" citoyens; ce ne sont plus que des barbares ou des monstres rétifs aux vertus de la civilisation...
Le crime sexuel des filles de Loth sert de fondement narratif à l'énonciation de l'opposition entre "nous" les Hébreux, gens de bien, et "eux", les fils de l'inceste.
Le corps est, dès lors, perçu comme une entrave à la perception du bien, de la vérité et de la vertu (...). Cette idée d'un danger lié à la chair sera reprise avec un certain succès, quelques siècles plus tard, par le christianisme.
... "je vais vous enculer et vous baiser la bouche" (...) le traitement le plus dégradant qu'un citoyen romain puisse imaginer.
"Faites donc mourir ce qui en vous appartient à la terre." (Paul, col 3,5)
Les premiers chrétiens ont (...) rêvé de spiritualiser l'humain en remportant ce qu'ils concevaient comme une victoire sur la chair. L'opposition entre corps et esprit serait totale selon saint Paul: "Si vous vivez de façon charnelle, vous mourrez; mais si, par l'Esprit, vous faites mourir votre comportement charnel, vous vivrez."
L'idéal d'abstinence exprimé par les premiers chrétiens a pour conséquence l'invention de la virginité masculine. (...) L'attente du retour imminent du Christ et de la fin des temps explique cet éloge du renoncement...
La seule Egypte compta alors environ 5000 ermites, étymologiquement des "déserteurs", ou encore des "moines", du grec "monos" qui signifie "solitaire".
(Débauches antiques. Christian Georges Schwentzel. Vendémiaire 2023)
... "les besoins sexuels de la femme ont un caractère moins mental, parce que, d'une manière générale, sa vie mentale est moins développée". (Emile Durkheim)
"Avec quelques pratiques de dévotion, quelques animaux à soigner, la vieille fille a sa vie remplie." (Emile Durkheim)
(L'esprit politique des savoirs. Jacques Commaille. Editions de la Maison des sciences de l'homme 2023)
... l'inceste souligne la distinction entre nature et culture et représente un moment imaginaire de transition, apparu à l'émergence de normes sociales bannissant l'inceste. (...) la dimension mythique établit une relation entre actions humaines et forces cosmiques.
(L'archéologie et la mythologie celtique. John Waddell. Sidestone 2022)
Parmi les autres péchés moraux figurent la rupture des contrats, (...) le fait d'uriner debout ou de marcher avec une seule chaussure ...
(Zarathoustra et sa religion. Michael Stausberg. Les belles lettres 2022)
"Ils ne prendront point de femmes, elles ne prendront point d'époux, mais ils seront comme des anges puisqu'ils seront les enfants du Dieu de la résurrection." (Eusèbe de Césarée)
(Utopia. Jean-Louis Poirier. Les belles lettres septembre 2022)
Il faut croire que le spectacle seul de l'union d'un couple recèle une puissance dévastatrice - l'accouplement animal rappelant l'acte sexuel indifférencié - pour qu'il soit confiné dans le "no man's land" du non-dit.
(Le souffle du mort. Dominique Sewane. Plon 2020)
L'homme actuel est le chacal creusant la fourmilière, à la poursuite de la fourmi, avatar de la Terre. La femme est la mère incestueuse qui s'avoue finalement vaincue par plus fort qu'elle et qui s'unit à son fils.
"Le frappement du fonio, c'est comme si un homme égorgeait une victime sur un autel." (...) La graine (...) contenait bonne et mauvaise parole. Ce qu'elle avait de bon en était extrait et mêlé aux chants; ce qui était mauvais restait en elle, tombait au sol avec elle sous les coups des fléaux, tombait comme un sang. Comme dans le sacrifice, il y avait la séparation des principes spirituels de la victime; avec les chants était captée la bonne vertu; dans les graines répandues restait le mauvais principe, le sang menstruel représentant la dette due à la terre.
(Dieu d'eau. Marcel Griaule. Fayard 1966)
... le grand mythe d'origine de toutes les tribus guarani, qui raconte les aventures des jumeaux divins, Notre Frère Aîné et Notre Frère Cadet. Tout le malheur des hommes et leur condition d'habitants de la Terre Mauvaise, proviennent de ce que la mère des jumeaux, doublement grosse des oeuvres de son époux, le dieu Nanderuvusu, et de son amant, Notre Père qui sait les choses, refusa d'écouter ses enfants qui, de ses entrailles, s'adressaient à elle: "Comment! Toi qui es encore à naître, tu me parles?" Et elle s'appliqua une claque violente sur le ventre tendu. Ulcérés, les enfants ne lui dirent plus rien, elle se trompa de chemin, parvint chez les jaguars qui la dévorèrent: l'histoire du monde était commencée, elle dure encore.
(Chronique des Indiens Guayaki. Pierre Clastres. Plon 1972)
On considérait aussi, non sans désir, ces filles dites "Concubines" dont le corps et les embrassements avaient sans doute une vertu spéciale, puisque leurs ébats relevaient de vocables nouveaux.
Le baptisé savait, désormais, (...) que la femelle-errante des nuits ne se hasarde pas autour des chrétiens fidèles...
(Les Immémoriaux. Victor Segalen. Points 1985)
De toute évidence, le tapir est un animal qui se suffit à lui-même puisque sa femelle a la réputation de garder auprès d'elle, au lieu de le chasser, son fils adulte et de commettre l'inceste avec lui; si son enfant est une fille, les deux femelles resteront ensemble et s'accoupleront avec le même mâle. Ainsi, le tapir est un symbole de cette condition où les choses se perpétuent toutes seules et se détruisent elles-mêmes; il se suffit non en s'opposant à la Nature, comme Maïr, le héros culturel, mais parce qu'il se confond avec la Nature même. Akang-apar, qui aurait pu être un homme, fut transformé en tortue parce qu'il s'y prenait mal pour se suffire. La tortue incarne, en effet, la forme la plus primitive de vie indépendante puisqu'elle réunit les symboles mâle et femelle en un animal: la carapace est femelle, le long cou et les pattes sont mâles.
Les Indiens pensent à l'amour (et aux fonctions physiologiques qui s'y rapportent) non seulement comme à un divertissement agréable mais encore comme à une force de nature spirituelle et contagieuse qui, si on en fait mauvais usage, peut avoir les mêmes effets qu'un poison. (...) pour les Indiens, les fruits sont le résultat d'une activité sexuelle, (...) [et] d'une transformation, qui procède en réalité d'un acte continu, et non d'un acte unique. L'activité sexuelle est ce qui fait pousser les choses; elle est magie. La vraie magie n'est pas l'acte sexuel lui-même, mais le désir de transformer qui se cache derrière: ce qui, pendant l'acte, le déborde jusqu'à contaminer le monde environnant. Faire l'amour avec une femme sous un arbre fruitier équivaut à charger excessivement cet arbre d'une magie de croissance qui nuira aux fruits en train de mûrir...
Il semble donc que Mair mène une double vie: doté de puissance sexuelle quand il circule dans le monde terrestre et privé de l'énorme attribut de sa virilité quand il est chef de village et responsable de l'ordre.
La vie sexuelle constitue toujours une menace pour l'ordre social; il n'est donc pas étonnant que Mair se protège en la supprimant: car son ordre repose sur une distinction des statuts et des pouvoirs que le commerce sexuel peut aisément abolir. Pour que la vie humaine soit possible, il est nécessaire d'établir un compromis entre Mair, d'une part, et la sexualité, d'autre part: entre un ordre idéal et une absence idéale d'ordre.
(Aimables sauvages. Francis Huxley. Plon 1980)
"Au début des temps, le plus jeune fils d'Adam désirait sa soeur jumelle et refusa les règles dictées par Dieu. A cause de cette révolte contre l'autorité divine, il devint le premier musulman."
… le secret même consacre la coutume. Or, le changement biologique que représente la puberté menace l’ordre social. (…) une période marginale pendant laquelle l’individu, symboliquement du moins, n’appartient pas à sa société. Se trouvant entre deux statuts, il n’a pas sa place dans l’ordre social.
De toute évidence, pour les Abron, du moins à Diassenpa, le seul sens du mont « Ntoro » était : sperme. On n’en parlait pas, même entre hommes. Prononcer ce mot devant des femmes était commettre un grave impair.
(La danse de l’araignée. Alexander Alland. France Loisirs 1984)
L’enfant choyé (…) sera un homme réservé vis-à-vis des jeunes filles, même dans ses invites les plus pressantes. (…) le voisinage des centres urbains, Dakar et Rufisque, a fini par altérer cette réserve autrefois commune. Dans les ruelles, la nuit tombée, quelques filles maladroitement fardées attirent les jeunes hommes pour en obtenir un peu d’argent. (…) On ne saurait douter de la dégradation des mœurs, même lorsque les préoccupations rituelles y mettent un frein efficace. Les danses de provocation sexuelle, connues sous le nom de « grimbé », se dépouillent en grande partie des intentions anciennes, qui les associaient aux techniques de fécondité, pour exalter les aspects érotiques. (…) Si l’évolution se poursuit, l’entreprise n’aboutira plus qu’à un spectacle osé (…). Cet érotisme de la place publique a, sans aucun doute, porté atteinte au prestige de la femme et situé la sexualité dans un contexte inhabituel.
… jusqu’à la huitième ou neuvième année, la sexualité de l’enfant ne rencontre-t-elle guère de contraintes ; elle ne fait que s’exaspérer lors de la puberté pour être aussitôt domestiquée par les épreuves de la circoncision.
Il n’est guère de peuple noir, vivant selon la tradition, où ne se manifeste cette succession de la licence apparente et de la contrainte sévère.
L’émancipation de la femme africaine qui entraîne (…) la versatilité des rapports entre sexes, l’affirmation de la « sexualité libidineuse », selon l’expression du sociologue Roger Bastide, au détriment de la « sexualité socialisée », ce sont autant de révolutions dans les mœurs que la société ne peut encore absorber sans secousses graves. Et le mal reste d’autant plus accusé que les cadres moraux se sont dégradés, sans qu’un suffisant mouvement de reconstruction ait pu intervenir.
On ne peut nier l’influence contagieuse de nos mœurs. Notre civilisation frappe un regard totalement étranger par l’importance qu’elle accorde à l’érotisme, par les activités et les commerces que ce dernier provoque.
L’impérialisme d’Éros a plus de succès en nos sociétés que chez les Coniagui nus de la Guinée. Cette ambiance, pour reprendre un mot du temps et aux résonances incertaines, nous l’avons exportée tout autant que nos machines, nos codes et notre monothéisme.
Les dignitaires décident aujourd'hui de faire un exemple. Les danses cessent. La victime est une jeune femme (…) qui, trop sensible au prestige des uniformes, ne sait guère résister aux avances des miliciens désœuvrés. Elle est conduite au centre de la place, bousculée, entourée de vieilles paysannes qui l’injurient. Des hommes s’affairent à creuser une sorte de fosse dans un endroit boueux. La femme, malgré sa résistance, est dépouillée de ses pagnes. Elle se retrouve nue, tremblante. Elle se cache la tête dans les bras. On la laisse quelque temps, sous les regards et les quolibets. Puis, sur un ordre, on l’entraîne vers le bourbier. Elle y est poussée. Elle s’enfonce jusqu’à la ceinture dans la terre gluante. (…) Elle ne sortira de là que bien plus tard, la nuit venue, hébétée et vaincue par une loi élémentaire, prompte à surgir dans toute société aux prises avec la tâche difficile des recommencements...
(Afrique ambiguë. Georges Balandier. Plon 1957)
En régime magique, la pudeur s’exprime par la nécessité de protéger les organes génitaux du mauvais œil ; le coït est représenté comme un acte « fort » qui libère de dangereuses énergies, dont il faut se garantir ; la puissance génitrice est une force qu’il faut maîtriser, consolider et libérer par des pratiques adéquates (d’où la circoncision et la subincision) ; enfin le coït est un rite de fécondité : ce sont là autant de formes, plus ou moins médiatisées, de délivrance et de libération du risque de dissolution qui menace la présence à soi, auquel la tempête émotionnelle de la sexualité donne un relief particulier.
(Le monde magique. Ernesto De Martino. Bartillat 2022)
« Garde-toi donc d’une femme étrangère que sa ville ne connaît pas. (…) ne la connaît pas charnellement. (...) C’est une eau profonde, on ne peut pas la parcourir, une femme éloignée de son mari. »
(Lettres égyptiennes. Michel Dessoudeix. Actes sud 2025)
Pendant presque toute l’année, la famille entière dort dans cette seule pièce. (…) Et même sans enfants, ces êtres sont assez contraints pour éprouver une gêne considérable devant tous bruits de nature sexuelle, et qui avouent l’être.
Bel et bien ils font « problème », et le problème ne sera pas simplifié quand ces enfants anarchiques et sexuellement éveillés vireront dans l’adolescence. Les deux filles, en particulier, semblent inévitablement marquées pour subir incompréhension et mauvais traitement, à un point d’une cruauté mal imaginable.
… il est bien fâcheux de si rarement éprouvé l’envie la plus brûlante de la chose, quand elle s’offre d’elle-même…
(Louons maintenant les grands hommes. Agee/Evans. Plon 2017)
Nosthej, le père de El-lal, tue sa femme, l’éventre avec une pierre aiguisée en lui arrachant le fœtus, désireux de le dévorer.
El-lal (…) ose demander la main de la fille du soleil et de la lune, ceux-ci (…) se servent d’un détour pour refuser la demande : une jeune servante s’habille avec la robe de la fille désirée et prend sa place. (…) El-lal, fâché, va s’éloigner pour toujours de la scène où il accomplit son œuvre de Dieu et de héros.
(Une race qui disparaît. Ramon Lista. Interfolio 2019)
Du côté chrétien, [les] attributs phalliques [de Legba] l’ont fait longtemps considérer comme l’incarnation du Diable…
… le priapisme [de Legba] (…) est le résultat d’une erreur et d’un manquement à Fa. (…) « Et voici qu’il circula dans le pays en montrant sa verge à tout le monde : regardez-moi ça ! » (Maupoil).
« C’est ainsi que les Noirs représentent l’esprit immonde. Ils n’hésitent pas à lui donner les insignes de la plus dégoûtante impudicité... » On conçoit l’émotion que put susciter chez l’abbé Bouche le spectacle de ce qu’il appelle dans le même ouvrage [La Côte des esclaves et le Dahomey] le « culte du phallus »...
Pas de phallus pour Dionysos. (…) Les fidèles qui entourent ce dieu sans corps sont en très grande majorité des femmes. (…) [Leurs] attitudes sont très variées. Tantôt dignes et graves, tantôt engagées dans une danse qui peut les mener au paroxysme de la transe.
La force de l’image est, s’inscrivant dans le corps, de retourner le regard : la religieuse est regardée et pénétrée par l’image qu’elle contemple et qui suscite en elle une vision, non imaginaire mais intellectuelle, et qui fait sortir du plus profond l’avoué et l’inavouable. La vision n’est pas spectacle, mais « visite »…
Car les corps divins, offerts ou refusés, regardent de leurs yeux creux ou peints celles qui les contemplent, ils émeuvent le désir et engagent sur toutes les dérives. Les théoriciens l’avaient pressenti.
« Elle n’osait regarder un Crucifix à cause des imaginations dont le démon l’agitait... » (Eloges, Mère de Blémur) (…) le corps de salut se mue donc en corps de désir, de perte.
(Corps des dieux. SSLD Malamoud/Vernant. Gallimard 1986)