… pour le soldat laboureur [romain] (…), l'humain se définit par une opposition rigoureuse au divin : l'humain c'est exclusivement le positif, le vraisemblable, le naturel, le prévisible, le codifiable, le régulier…
(Mythes et dieux des Indo-Européens. Georges Dumézil. Flammarion)
(…) le cosmos est formé de deux types de matière : l'une subtile, imperceptible ou presque, à l'être humain dans des conditions normales et l'autre pesante qui peut être perçue normalement par les sens de l'homme. (…) Les êtres terrestres (…) sont une combinaison des deux matières : à leur composition lourde, dure, perceptible, ils ajoutent une intériorité, une « âme », de matière subtile semblable à celle des dieux…
La mort de tous les dieux est nécessaire pour rendre possible l'existence du monde de l'homme.
La tâche bleue qu[e le nouveau-né] porte au postérieur est la trace du coup de pied que lui donna Natzin'itni en lui disant de ne plus jamais revenir.
(Les paradis de brume. Alfredo Lopez-Austin. Maisonneuve et Larose 1997)
Les rituels expiatoires que les Indiens connaissaient à l'époque précolombienne (comme celui accompli devant la déesse aztèque Tlazolteotl, « la mangeuse d'immondices », appelé « confession aztèque »…
(L'évangélisation des Indiens du Mexique. Eric Roulet. Presses Universitaires de Rennes 2008)
... dissocier, pour la reine, sa dimension humaine de sa dimension divine, là où elles fusionnent pour le roi…
(Dieux et hommes, modèles et héritages antiques, volume I. Jacques Bouineau. L'Harmattan 2018)
... l'idée du déniaisement nécessaire qui permet à l'esprit de contempler la Vérité nue. (...) un Paradis d'où le Temps est exclu…
(Temps de la nature, nature du temps. SLDD Bouton-Huneman. CNRS Editions 2018)
… l’immonde est la racine – car il y a des choses créées qui ne se sont jamais bonifiées, et se sont conservées telles qu’au moment où elles furent créées, et ce ne sont qu’elles qui ont continué à être cette racine encore entièrement intacte.
(La passion selon G.H. Clarice Lispector. des femmes 2020)
Les « choses sacrées » sont désignées telles du fait qu’elles sont « séparées », par divers dispositifs concrets ou interdits moraux. (…) [Le sacré et le profane] définissent et qualifient deux sphères de la réalité réputées impénétrables l’une à l’autre, qui se côtoient mais ne se mélangent jamais. Un ensemble d’interdits et de prescriptions – de tabous – interviennent pour éviter que le sacré n’entre en contact avec du profane et ne perde sa puissance : murs d’enceintes, symboles, tracés magiques, tabous alimentaires et sexuels, usages vestimentaires, règles matrimoniales, rites initiatiques contribuent à séparer des lieux, des objets, des groupes, des temps et à les tenir à l’écart du profane.
(Jean-Marie Husser. Les nouvelles de l’archéologie juin 2020)
... le seuil fait office de "limes", de zone transitionnelle (...). C'est un lieu de circulation de forces (...) la "porte de la montagne", cette limite critique découvrant à intervalles réguliers un éden tropical, royaume incontesté du Diable.
... en cas de maladie (...) le propriétaire peut être contraint d'abandonner sa demeure et de la reconstruire un peu plus loin. (...) le sol restera à jamais la "terre sale", ce corps ancestral, mère nourricière et dévoratrice à la fois.
Naguère, à l'intérieur des maisons, on procédait à l'érection d'un arbre sur lequel des figures anthropomorphes marquaient la présence de l'"âme du bois". Cet acte, à caractère apotropaïque, répondait à sa manière au courroux de l'"arbre mort", censé dégager une énergie pathogène considérable. (...) Cet acte programmé fondait la relation ombilicale reliant l'habitation à son environnement, et surtout à la terre, divinité tyrannique exigeant une sorte de redevance périodique de la part des vivants.
... un des noms du diable est (...) "mangeur de nom", le manducateur de toute créature humaine.
(La moitié du monde. Jacques Galinier. PUF 1997)
Tel est certainement le résultat de la mort: un dédoublement du manove en fantôme ennemi d'une part, en "esprit" neutre de l'autre, lequel s'en va innocemment habiter, du côté du soleil couchant, la demeure des morts, que les Aché décrivent soit comme une grande savane, soit comme la Forêt Invisible.
(Chronique des Indiens Guayaki. Pierre Clastres. Plon 1972)
A mesure que l'âme traversait ces diverses zones, elle se dépouillait, comme de vêtements, des passions et des facultés qu'elle avait reçues en s'abaissant vers la terre: elle abandonnait à la Lune son énergie vitale et nourricière, à Mercure ses penchants cupides, à Vénus ses désirs érotiques, au Soleil ses capacités intellectuelles, à Mars son ardeur guerrière, à Jupiter ses aspirations ambitieuses, à Saturne ses inclinations paresseuses. Elle était nue, débarrassée de tout vice et de toute sensibilité, lorsqu'elle pénétrait dans le huitième ciel pour y jouir, essence sublime, dans l'éternelle lumière où séjournait les dieux, d'une béatitude sans fin.
(Les Mystères de Mithra. Franz Cumont. WW 2023)
... "on devient ce qu'on adore"
(Hymnes spéculatifs du Véda. Louis Renou. Gallimard 1956)
... la mélodie est caractéristique du dieu de la mort Yama, car le but est d'aider le mort à parvenir au royaume de Yama (...). Ce poème, traditionnellement attribué à la Reine des serpents est pour l'essentiel une invocation au Soleil (...) le serpent mythique Arbuda s'est débarrassé de sa peau morte grâce à ses strophes…
(Le jumeau solaire. Charles Malamoud. Seuil 2002)
… pourquoi les Romains ont-ils divinisé leurs empereurs et ont-ils fabriqué ce corps divin du pouvoir ? Pour que le pouvoir monarchique ne fût pas le fait d’un homme, c’est-à-dire d’un tyran, ou encore d’un homme qui se prend pour un dieu et donc bascule du côté des monstres, pour que celui qui prétendait être au-dessus des hommes ne fût pas vraiment un homme.
(Corps des dieux. SSLD Malamoud/Vernant. Gallimard 1986)
...le réel et le monde extérieur tout entier, des astres aux fourmis, est le champ d’expression du divin, qui intervient sans cesse sous les formes et à travers les êtres et les évènements les plus imprévisibles. Tout est ainsi chargé de sens, tout est porteur d’un message qu’il convient de savoir déchiffrer…
… on se trouve en face de niveaux sémantiques successifs qui, du ciel à la terre puis de la terre au ciel, cascadent littéralement de domaine en domaine, de code en code, de rituel en rituel.
L’étrange, en définitive, est que cette intrusion constante de l’irrationnel (…) dans le temps et l’Histoire ait toujours su se concilier avec le besoin et la nécessité du rationnel. En chaque Grec, ces deux mondes n’ont cessé de coexister sans que jamais il se sente ni déchiré ni écrasé par l’un des deux puisque, derrière l’arbitraire et l’énigme du monde, il inventa les signes qui leur donnèrent un sens.