Je suis nu (…). Comme seul un homme sans identité peut l'être.
(Eldorado. Laurent Gaudé. Actes Sud 2006)


Les Américains veulent que tout soit désinfecté. Pas d'odeurs ! (…) Bientôt vous produirez une race d'hommes sans orifices ! Les Blancs, je pense, ont tellement peur du monde qu'ils engendrent, qu'ils en perdent leurs sens…
(De mémoire indienne. Lame Deer et Jean-Jacques Roudière. 2009)


... les démons et les mauvais esprits sont invisibles, signalés seulement par une mauvaise odeur. Ils pénètrent en vous dans les entrailles et vous font gonfler le ventre.
Quinze ans durant, il fut malade, perdit la tête, fit le fou. Il courait cinq verstes tout nu en plein hiver.
(Gavriil Ksenofontov. Les chamanes de Sibérie et leur tradition orale. Albin Michel 1998)


Un degré particulier de solitude, de conscience – ou de folie – rend nécessaire la nudité, insensible alors aux moqueries, attouchements et morsures obscènes du froid, du soleil et de ceux qui ne savent pas.
(Le puiseur d’inconscient. La forteresse du caméléon. Gilles Allaume. BookEdition)


… un habitant du Vivarais qui, à chaque nouvelle lune, se sentait comme obligé d’ôter ses vêtements, et de se rouler sur le sable jusqu’à ce qu’il devînt loup…
(Croyances, mythes et légendes des pays de France. Paul Sébillot. Omnibus août 2002)


… l’interdiction faite par l’ordonnance de 1681 aux matelots de coucher nus. La nudité, à cette époque, n’était pas un état ordinaire, car toujours associée au scandale : pour tous depuis la Contre-Réforme, le réflexe était de se cacher, non de se montrer.
(L’aventurière de l’Etoile. Christel Mouchard. Tallandier 2020)


Comment savoir si, réellement, l'artiste paléolithique aurait-il eu tellement honte de la visibilité de son sexe qu'il en aurait été conduit à représenter des mains à la place de corps humain? (...) Cet exemple met bien en évidence l'extrême ethnocentrisme de l'approche psychanalytique, qui prétend pourtant faire appel à un psychisme universel. La pseudo-explication par la honte, qui vient d'être mentionnée, s'appuie certes sur le corpus freudien, mais aussi sur la "théorie psychanalytique de la honte" élaborée par Claude Janin, qui expose que ce sentiment serait constitutif de l'être humain: en se redressant nos ancêtres auraient subi une "honte originaire" due à l'exhibition de leur sexe. Cette thèse - ou plutôt ce mythe d'origine - semble bien n'être qu'une tentative de scientifisation de l'épisode biblique bien connu selon lequel, après la faute, Adam et Eve se découvrirent nus et en eurent subitement honte. C'est très exactement là le mythe évolutionniste et européocentrique de l'apprentissage de la pudeur par l'interdiction d'exhiber son corps nu (...) comme l'a bien montré Hans-Peter Duerr qui a dénommé ce récit moderne des origines "mythe du processus de civilisation".
"Quand le dieu vit que le diable avait souillé les corps des hommes, il tourna leur extérieur sali vers l'intérieur."
(La caverne originelle. Jean-Loïc le Quellec. La Découverte 2022)


Selon Darwin, (...) les races dites inférieures sont vouées à l'extinction (...) alors que la "race" supérieure a toujours davantage de perfection (ainsi désignée la race blanche de culture occidentale). (...) Au XIXème siècle les ethnologues organisaient des expositions zoologiques du "sauvage" auquel les visiteurs jetaient de la nourriture à travers les grillages, quand ils ne comparaient pas leurs traits à ceux des primates ou qu'ils ne s'étouffaient pas de rire devant une Africaine nue, malade et tremblante.
(Les incroyables erreurs sur l'histoire de l'humanité. Ibrahima Mbengue. L'Harmattan 2022)


Il s'agit par exemple du Maïouma, fête associée à des spectacles et réjouissances aquatiques, donc dénudées. Ces fêtes sont vivement critiquées par les autorités chrétiennes, en raison de leur caractère licencieux, et taxées de paganisme. (...) des comportements considérés par les élites comme contradictoires avec un mode de vie chrétien, et l'accusation de paganisme a en ce sens une fonction de mise à distance et de stigmatisation, qui sert finalement à mieux définir les contours de la communauté chrétienne.
(Le Proche-Orient. Catherine Saliou. Belin 2020)


La pudeur est une notion importante au Mali (...). Le manque de retenue, tant dans la parole que dans le geste ou dans l'apparence, n'y est pas valorisé, il est considéré comme l'apanage de ceux qui "ne connaissent pas la honte": celui des griots et des descendants d'esclaves, ainsi que, ajoutons-le, des prostituées et d'autres groupes défiant la norme dominante en matière de sexualité.
(Corps rituels. Agnieszka Kedierska Manzon. Maison des sciences de l'homme 2023)


"Le pagne est serré pour qu'on ne voie pas le sexe de la femme. Mais il donne à tous l'envie de voir ce qui est dessous. C'est à cause de la parole que le Nommo a mise dans le tissu. Cette parole est le secret de chaque femme et c'est cela qui attire l'homme. (...) Etre nu, c'est être sans parole."
(Dieu d'eau. Marcel Griaule. Fayard 1966)


L'une des distractions extra-maritales fort appréciée aussi consistait à épier les jeunes filles qui se baignaient nues dans le ruisseau.
(Les barrières de la solitude. Luis Gonzalez. Plon 1982)


Bain, relations intimes, nudité: tous ces moments de retour à l'état naturel sont autant de moments critiques où le mal peut être fait. Pour vivre heureux, vivons cachés...
(Vaudou. Philippe Charlier. Plon 2022)


"Au commencement, les Mbya et les Guayaki vivaient ensemble sous le gouvernement de Pa'i Rete Kwaray, le Dieu au Corps de Soleil. Un jour les Guayaki apparurent complètement nus à la danse rituelle; Pa'i Rete Kwaray, furieux, les apostropha, jetant sur eux sa malédiction, et les dispersa à travers la forêt. C'est pour cette raison qu'ils ont vécu errants et sauvages jusqu'à présent."
(Chronique des Indiens Guayaki. Pierre Clastres. Plon 1972)


"Je lui ai rappelé hier, et à son bord même, l'obligation de montrer sa verge. Il m'a répliqué que c'était là une atteinte à sa dignité d'homme."
(Les derniers rois de Thulé. Jean Malaurie. Plon 1989)


Malgré ces défroques étrangères, elle n'apparaissait point déplaisante, et Térii déclara, comme cela est bon à dire en pareille occurrence, qu'il dormirait volontiers avec elle. Les autres sifflèrent de mécontentement, ainsi que des gens offensés; et la fille même feignit une surprise. - Pourquoi? - L'homme qui avait récité les noms d'ancêtres se récria:
"La honte même! pour une telle parole jetée ce jour-ci!" Il ajouta d'autres mots obscurs, tels que "sauvage" et surtout "ignorant".
Et voici que plusieurs, apeurées soudain, coururent en s'éclaboussant vers la rive. D'autres, moins promptes, s'accroupissaient au milieu du courant - pour cacher peut-être quelque partie du corps nouvellement frappée de tapu? - A quoi bon, et d'où leur venait cette alerte? Un étranger au visage blême (...) passait la rivière et jetait de loin des regards envieux - comme ils le font tous - sur les membres nus, polis et doux. N'était-ce que cela? et en quoi l'oeil d'un homme de cette espèce peut-il nuire à la peau des femmes? Elles feignaient pourtant de fuir comme on fuit la mâchoire d'un requin. Et leur effarement parut à Térii quelque chose d'inimaginable.
"(...) mieux ne vaut pas un vêtement piritané décent et digne, même souillé de terre, plutôt qu'une impudique vêture païenne!"
(Les Immémoriaux. Victor Segalen. Points 1985)


(...) Mais un sort bien pire guette parfois le malheureux: son âme mangée, il peut rester en vie comme une espèce de zombie. C'est la spécialité d'Anyang (...) C'est l'esprit des morts (...) parfois il prend la forme d'une multitude de personnages, tant mâles que femelles. Ceux-ci se promènent parfaitement nus (...) [ils] dansent des rondes qui consistent en de répugnantes cabrioles...
(Aimables sauvages. Francis Huxley. Plon 1980)


"... ne m'approche pas contre mon gré! Prends garde aussi que je ne te voie nu, car telle est la conduite à tenir à l'égard de nous autres, femmes!"
(Mythes et légendes extrait des Brâhmanas. Jean Varenne. Gallimard 1967)


… on évoque les « six jours et sept nuits » d’amour de Enkidu, le double sauvage de Gilgamesh, avec la Courtisane Lajoyeuse (…). Les dieux l’avaient envoyée auprès de Enkidu pour qu’elle le civilise par le sexe. Pour qu’il puisse devenir pleinement homme et contrer l’hybris sexuelle de Gilgamesh, il a fallu également que la nudité de Enkidu soit couverte par un vêtement et que son corps soit enduit d’onguents ; et surtout, il a fallu qu’il mange le pain levé et boive la bière fermentée…
(Le matin des dieux. Salvatore D’Onofrio. Editions Mimésis 2018)


Dans les ruelles exiguës et malaisées, où nous dévalons sur la caillasse, il nous arrive de croiser un des habitants simplement vêtu d’un cache-sexe ; il s’efface, se détourne, fuit le regard. Il défend sa dignité d’homme devant le déclenchement des appareils photographiques, les assauts zélés de visiteurs pressés de consigner leurs remarques et d’esquisser quelques croquis.
(Afrique ambiguë. Georges Balandier. Plon 1957)


… son cœur était vraiment très peiné et étant seul.
Puis après un long moment, Hathor, la Maîtresse du sycomore du Sud, s’en vint.
se tint devant son père, le Maître universel, et dévoila son sexe à ses yeux.
Alors le grand dieu rit d’elle.
(Lettres égyptiennes. Michel Dessoudeix. Actes sud 2025)


Regarder Artémis ou Athéna au bain, dénudées, c’est une expérience qu’Actéon paie de sa vie, Tirésias de ses yeux.
Car les corps divins, offerts ou refusés, regardent de leurs yeux creux ou peints celles qui les contemplent, ils émeuvent le désir et engagent sur toutes les dérives. Les théoriciens l’avaient pressenti (…). Ils recommandaient la « décence » (…) représenter les crucifiés vêtus, en contradiction, disent-ils, avec la vérité historique ; d’autres demandent aussi de vêtir la nudité de l’Enfant Jésus. Dans cette croisade contre les « imagines nudae », comme l’écrit le P. Possevin en 1595, et dans l’insistance sur la « honte » de la nudité dans la flagellation (…), il ne faut pas voir scrupules de théologiens.
(Corps des dieux. SSLD Malamoud/Vernant. Gallimard 1986)


Après « quelques observations », ces derniers jours, de comportements contrevenants à la réglementation qui encadre la baignade, la Ville de Douarnenez (Finistère) fait une piqûre de rappel, ce jeudi 7 août 2025, en pleine saison estivale, afin, dit-elle, de « garantir la sécurité et la tranquillité de tous ». (…) « La baignade nue est interdite, indique-t-elle dans un communiqué. Conformément à l’article 222-32 du Code pénal, l’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. »
(Ouest France 8 août 2025)