Nous avions toujours soin de porter avec nous du pain et des épingles : aussi chaque fois que nous jetions une miette de pain ou une épingle dans la fontaine, la fée nous riait à merveille. De nombreuses bulles se détachaient de la vase, et nous arrivaient à la surface semblables à des perles cristallines. Nous étions heureux de ces sourires…
Dans les Vosges, et particulièrement dans le canton de Schirmeck, le premier jour de l’an et le premier mai, on ornait les fontaines d’un jeune sapin ou de tout autre arbre, auquel on suspendait des banderoles de papier de couleur et parfois de petits mannequins en plâtre, en carton ou en linge.
La coutume de se baigner à quelques époques déterminées n’a pris fin, dans le Roussillon, qu’après le milieu du XIXème siècle (…). Sur le littoral du golfe de Gascogne, ces bains avaient lieu pendant la nuit qui [précède la Saint Jean] ; dans la partie basque, des gens venus de l’intérieur entraient dans la mer, hommes, femmes et enfants, en se tenant par la main…
… quand on érigeait une balise, les vieux pêcheurs se tiraient un peu de sang et en arrosaient le trou où elle avait été plantée. C’était une offrande au rocher et à la mer, afin que le signal ne fût pas renversé par les flots.
Tantôt elles font danser jusqu’à ce que mort s’ensuive, celui qui s’est laissé prendre à leurs agaceries, tantôt elles le poussent pour le faire tomber dans l’eau, tantôt les charmantes jeunes filles se transforment en horribles bêtes.
… dans le Vaucluse, les tavelleuses, jeunes filles qui travaillaient aux moulins à dévider la soie, appelés tavelles, se réunissaient pour faire une sorte de radeau qu’elles enguirlandaient de rubans et de rameaux de buis. Elles y plaçaient des poupées et un certain nombre de coquilles d’escargots garnies d’huile et de mèches qu’elles allumaient, puis elles abandonnaient l’esquif sur le courant du ruisseau le plus voisin de la fabrique, et le suivaient en chantant jusqu’à ce qu’un obstacle eût fait sombrer la frêle embarcation.
Au XIIIème siècle, Gervaise de Tilbury constatait la coutume de confier au courant du Rhône les cercueils eux-mêmes.
(Croyances, mythes et légendes des pays de France. Paul Sébillot. Omnibus août 2002)
... qu'est-ce que l'humilité? C'est l'humus, la terre humide, imprégnée de la salive divine d'où a été créé l'être humain. Est homme (...) qui est fait d'humus.
(Le symbolique, le Sacré et l’Homme. Henri de Lumley. CNRS Editions 2019)
Ces sites expriment hydrologiquement plusieurs correspondances entre la pluie et l’eau du lac, l’eau verticale et l’eau horizontale, l’eau intérieure et l’eau extérieure, l’eau chaude et l’eau froide, l’eau dormante et l’eau courante, l’eau douce et l’eau salée, l’eau en relation avec la mort, l’eau indispensable à la vie.
(Pratiques religieuses et divinatoires des Aztèques. Jacqueline de Durand Forest. Les Belles Lettres 2020)
... cette force incarnait le pouvoir illuminant de la sagesse. (...) un texte où figure la description d'un noisetier qui pousse au-dessus des eaux de Segais. Les noisettes qui tombent dans l'eau y infusent la maîtrise de l'art poétique, transmise à quiconque la boit.
(L'archéologie et la mythologie celtique. John Waddell. Sidestone 2022)
... les puits étaient également considérés comme des lieux où résidaient des esprits ou des divinités, avec lesquels on entrait en contact grâce à des prières ou des offrandes.
(Zarathoustra et sa religion. Michael Stausberg. Les belles lettres 2022)
En postulant que la maison achuar est idéalement traversée par un cours d'eau, nous avons également posé une équivalence entre le monde aquatique et le monde domestique, chaque demeure isolée étant enchaînée aux autres dans un grand continuum par ce flux invisible. Métaphore d'un bol alimentaire passant dans la maison comme dans un système digestif, la rivière est aussi le lieu d'une fermentation cosmique qui fait monter et baisser son niveau au cours des crues saisonnières.
(La nature domestique. Philippe Descola. Editions de la Maison des sciences de l'homme 2019)
A la nuit tombée,, les feux irradient l'intérieur des édifices, et lorsque la vapeur envahit l'habitation, une fois l'eau versée sur des pierres brûlantes, chacun se fustige à l'aide de branchages, au milieu des éclats de rire et des jeux espiègles. (...) une relation amoureuse intime entre l'homme, le "temascal", l'eau et le feu, permettant d'accéder à ce qu'une métaphore de tous les plaisirs du corps dénomme la "découverte de la lumière".
(La moitié du monde. Jacques Galinier. PUF 1997)
... des rites durant lesquels, à point nommé, un forgeron frappait la roche avec sa masse ou son fer d'enclume. En faisant sonner le fer dans lequel l'artisan mythique apporta tant de bienfaits, il rappelait aux hommes la puissance suprême d'Amma et du Génie de l'eau, (...) il apaisait les courroux possibles des êtres célestes par cette confession de leur prééminence.
Dans l'union, l'homme ensemence. Il est comme un génie de l'eau qui fait pleuvoir l'eau fécondante sur la terre et la femme, sur les graines des semailles. Ainsi se trouvent liés l'acte agricole et l'acte conjugal.
(Dieu d'eau. Marcel Griaule. Fayard 1966)
"... toi, comme tous les Qallunaat, tu ne comprendras jamais rien (...) son esprit s'était échappé par un trou, un tout petit trou, dans le sol de la cabane. Le sifflement? c'était son souffle qui s'en était allé. Il partait consulter Nerrivik, la grande déesse des eaux."
(Les derniers rois de Thulé. Jean Malaurie. Plon 1989)
Un groupe allégorique souvent reproduit, dans lequel un lion représentait le feu, un cratère, l'eau et un serpent, la terre, figurait la lutte des Eléments opposés qui s'entre-dévorent constamment et dont la transmutation perpétuelle et les combinaisons infiniment variables provoquent tous les phénomènes de la nature.
(Les Mystères de Mithra. Franz Cumont. WW 2023)
Tout ce qui est humide, il l'a créé de sa semence, et c'est le Soma. (...) Ce monde était alors indifférencié; Il n'est différencié que par nom et forme, on dit: "Il est ce nom, il est cette forme".
La terre est corps de la parole et ce feu ici, sa forme de lumière. (...)
Le ciel est corps de ce mental et le soleil là-haut, sa forme de lumière. (...) Les deux formant couple se sont unis et de cela est né le souffle. (...)
Les eaux sont corps de ce souffle et la lune là-haut, sa forme de lumière.
Le souffle dit: "Quelle sera ma nourriture? Quel sera mon vêtement?
- Tout ce qui est jusqu'aux chiens, aux vers, aux insectes, aux mites, c'est ta nourriture, et l'eau est ton vêtement.
(Les Upanisad. Alyette Degrâces. Fayard 2014)
Elle, la purifiante, qui fut le serpent,
sur laquelle sont les feux à l'intérieur des eaux,
elle qui livre les démons, les insulteurs des dieux…
(Hymnes spéculatifs du Véda. Louis Renou. Gallimard 1956)
Yamï, à laquelle est identifiée la rivière Yamuna, est complémentaire de son jumeau: elle lui est associée, mais en même temps, ou plutôt par une autre façon d'envisager le temps, elle incarne, face à Yama, le désir, la vie, le désir de vie.
(Le jumeau solaire. Charles Malamoud. Seuil 2002)
... Prajapati arda l'Ardeur. Il créa les Eaux, à partir de la Parole, c'est-à-dire à partir du monde. (...) elle pénétra toutes choses ici-bas. (...) elle recouvrit toutes choses...
(Mythes et légendes extrait des Brâhmanas. Jean Varenne. Gallimard 1967)
« C’est lui (le Seigneur ton Dieu) qui, pour toi, a fait jaillir l’eau de la roche la plus dure » (Deutéronome, 8, 2-3. 146-16a.)
… le nuage de pluie, le « cadeau de noces » des poèmes sumériens. C’est le dieu taureau qui féconde la déesse-terre.
(Les gravures rupestres du Bego. sldd Henry de Lumley. CNRS Editions 2024)
… les ophidiens sont géométrisés, réduits à leurs caractéristiques essentielles, jouant sans doute sur la métaphore visuelle avec l’éclair, comme pour matérialiser peut-être les correspondances que les Incas y voyaient, et aussi avec l’eau et les méandres des rivières, qu’on voit systématiquement creusés en surface des grands affleurements rocheux…
(Les Incas. Peter Eeckhout. Taillandier 2024)
Vohu Manah, représentant de l’eau, est le second élément dans l’ordre de la création, après le ciel, et la pluie. L’eau est aussi ce qui érode et aplatit.
Décrits comme une foule de « plusieurs centaines, des milliers, des dizaines de milliers » (…), les Fravashis jouent (…) le rôle d’aides de Ahura Mazda pour ordonner et maintenir le monde, intervenant notamment sur les eaux qui nourrissent les plantes et sur celles qui protègent les fils dans l’utérus (…).
Les Azéris accordent aussi à l’eau un pouvoir de purification des malheurs de l’année qui vient de s’écouler. D’où la tradition de sauter les rivières ou bien de s’asperger d’eau les uns les autres avant de se coucher la dernière nuit de l’année.
(Le matin des dieux. Salvatore D’Onofrio. Editions Mimésis 2018)
La noix, mâchée et imprégnée de salive, établit un lien entre l’homme et les divinités : aussi l’initié l’utilise-t-il dans ce but avant de « s’adresser » au masque dont il est le gardien et le porteur.
« Le sang, c’est bon pour les génies de l’eau ! »
(Afrique ambiguë. Georges Balandier. Plon 1957)
Au passage [de Râ], [Isis] prélève sa salive tombée au sol et la mélange à de la terre pour en modeler un serpent « bien pointu ».
« Je suis celui qui a créé l’eau et Mehet-Ouret est venue à l’existence, qui a créé le taureau pour la vache et le plaisir sexuel est venu à l’existence. »
« C’est une eau profonde, on ne peut pas la parcourir, une femme éloignée de son mari. »
(Lettres égyptiennes. Michel Dessoudeix. Actes sud 2025)
Parallèlement aux systèmes théologiques montrant le démiurge venant à l’existence de lui-même, une tendance « provinciale » supposait que le démiurge solaire était le produit d’une divinité antérieure, née avant lui dans l’eau absolue. Ce proto-démiurge fut par exemple la vache Ahet dont la personnalité se confondit avec celle de Mehet Ouret.
… le milieu liquide primordial est caractérisé par sa dualité (…) akhet est la frontière entre le monde primordial de l’Unique et le monde de la multiplicité, le lieu où naît la multiplicité.
La tradition égyptienne ne connaît pas de démiurge antérieur à l’eau initiale, qui est aussi une réserve vitale où tout est contenu en puissance. Le soleil est issu de cette eau originelle, il peut alors être désigné comme étant « la flamme issue de l’eau », expression encore attestée dans les papyrus grecs.
(Le papyrus des sept propos de Mehet Ouret. Yvan Koening. Institut français d’archéologie orientale 2024)
Nosthej, le père de El-lal, tue sa femme, l’éventre avec une pierre aiguisée en lui arrachant le fœtus, désireux de le dévorer. (…). Un rongeur (…) prend El-lal et le cache dans les profondeurs de sa grotte. (…) le Dieu grandira à l’abri de la terre. (…) Oh prodige ! Du ventre blessé [de la mère] coulent les eaux cristallines d’une source…
(Une race qui disparaît. Ramon Lista. Interfolio 2019)
Sous terre donc, le souffle circule sous forme d’eau – l’eau vivifiante, fécondante – dans un vaste réseau de veines avant de remonter à la surface irriguer les champs ou former des nuages. A l’image de l’eau, l’homme appartient à la fois au ciel et à la terre et circule entre les deux : (…) il est composé de sept âmes « terrestres » (…) et de trois âmes « célestes » qui animent ses trois centres vitaux – le bas-ventre, le cœur, le cerveau…
Le fait que le kami de la foudre soit fréquemment représenté sous la forme d’un serpent, précisément l’animal qui est une des manifestations de la divinité de l’eau, n’est sans doute pas – explication rationnelle – sans lien avec les précipitations d’eau accompagnant un orage (…). C’est souvent par une stèle en pierre, connue comme « Seigneur kami du fleuve » ou par un édicule en pierre érigé près d’une rivière qu’est vénérée la divinité de l’eau dans la tradition populaire. (…) Le kappa (…), émanant des croyances en une double divinité mère-fils, est vénéré par endroits dans de petits sanctuaires ; il revêt deux aspects : d’un côté, on le craint comme porteur de malheur et de catastrophes, d’un autre côté il est censé protéger contre les calamités causées par l’eau.
(Corps des dieux. SSLD Malamoud/Vernant. Gallimard 1986)
[Le jour du serpent] est aussi le jour où les poupées faites de matières végétales ou de papier, substituts des impuretés, étaient jetées à l’eau…
La qualité particulière reconnue à l’eau, à la mer, à une cascade s’attache souvent à l’idée de la présence d’un kami (…). Or, un des concepts les plus répandus est celui du dieu-dragon, kami de la mer, résidant dans un palais sous-marin (…), en quelque sorte un au-delà (…). Cette idée d’une région de félicité située au fond [soit au-delà] de la mer apparaît très clairement dans l’imagerie populaire des Sept divinités du bonheur placées sur le bateau takara-bune, venant de la mer. C’est à l’époque de Muromachi (…) que parmi ces sept divinités, notamment Ebisu (…) prendra définitivement le caractère d’un dieu venant d’un pays lointain apporter richesse et bonheur.
(La sieste sous l’aile du cormoran. H.O. Rotermund. L’harmattan 1998)